Recette pour entretenir une amitié [rp Lyu] [rp terminé]

Dire que la cuisine était un lieu habituellement calme aurait été un mensonge. En effet, l'endroit ressemblait à une vraie fourmillère aux heures clés de la journée et Masu trouvait toujours du travail à faire pendant le reste du temps. Il n'était pas possible de s'ennuyer dans cette pièce. Et pourtant, c'était exactement ce que faisait Red. Mais bon, la situation était inhabituelle aussi...
Masu, pour la première fois depuis son arrivée sur l'Arcadia, avait décidé de laisser quartier libre aux cuisiniers. Une chose rare que les autres avaient su apprécier mais la jeune hybride n'arrivait pas à quitter son antre. Elle se sentait de plus en plus chez elle ici et cuisiner la passionnait bien plus que ce qu'elle aurait imaginé. Tellement que Masu lui avait laissé entendre qu'au moment où elle prendrait une retraite bien méritée, elle passerait le flambeau à la jeune fille. Ce qui la rendait à la fois fière de son travail (tout le monde ne satisfaisait pas leur délicate cuisinière) et terrifiée (elle n'atteindrait jamais le niveau de Masu en terme d'autorité).
Donc elle restait là à traîner devant la table où elle cuisinait habituellement, ne sachant comment s'occuper. Elle en était même à espérer le retour en trombe de Masu, qui aurait changé d'avis...Pathétique.
Désabusée, elle décida de faire la seule chose qui pourait sauver la journée, à savoir : du thé. Étrangement la jeune femme adorait cette boisson qu'elle qualifiait de divine. Elle en buvait de toutes sortes: thé vert, thé noir, thé rouge, au jasmin ou à la menthe... Mais son préféré restait tout de même le Earl Grey. La crème des crèmes. Le Saint-Graal de la jeune amatrice de théine. Bien sûr, il n'était d'aussi bonne qualité que celui autrefois produit sur Terre qui était sûrement fantastique, mais il se laissait boire quand même. Red le buvait en général avec du miel et un peu de lait. Le pied total.
Sentant son moral remonter légérement, elle se prépara une théière pleine qu'elle comptait bien finir avant la fin de la journée. Le thé ne l'empêchait pas de dormir de toutes façons. Tout en préparant son Éden liquide, son pied buta sur quelque chose. C'était son sac noir, dans lequel elle mettait toutes ses possessions précieuses et qu'elle gardait en général près d'elle. Elle se pencha pour le récupérer et en sortit deux livres. Le premier, c'était "Croc Blanc" que Yama lui avait prêté. La jeune fille en était contente car il lui permettait de pratiquer son anglais et de voir des mots plus...soutenus. Le deuxième était un peu plus particulier. Il s'agissait d'une édition unique que lui avait fait son père pour ses quatre ans. Le livre était en anglais et en Rakkuen et avait une immense valeur sentimentale pour la jeune fille. Elle caressa sa couverture. The Red Riding Hood*. Revisité façon Princesse Mononoke avec une héroïne qui vivait avec les loups. Ce livre était également à l'origine de son nom. Le prénom que sa mère lui avait donné était Remorah, ce qui signifiait "Fleur Rouge" mais elle avait décidé de le changer pour mieux s'intégrer et garder cette partie d'elle pour sa famille et elle.
Elle rangea le livre de son père et feuilleta celui de Yama tout en sirotant son thé. Finalement, la journée n'était pas si pourrie...

*Vous l'avez sûrement deviné: Petit Chaperon Rouge

Lyu entra dans la pièce comme un ouragan. Un ouragan de tristesse.
Elle avait les yeux mouillés de larmes, et les joues déjà rouges, signe que cela devait bien faire une heure qu’elle pleurait en douce.

La jeune femme s’était finalement décidé à trouver tenter de trouver un peu de compagnie au lieu de ruminer des idées noires dans son coin. Patachou lui avait tenu compagnie, et accessoirement servi de mouchoir pendant les vingt premières minutes avant de lui faire gentiment comprendre qu’elle était bien gentille, mais que le mode serpillière, ça allait bien cinq minutes et qu’il voulait bien ses croquettes.

Lyu fut on ne peut plus ravie de trouver Red dans la cuisine, et en plus seule. Elle était à l’origine débarquée pour noyer son chagrin dans les bons petits plats, mais réalisa en trouvant l’hybride à table que tant qu’à faire, une amie, ça pouvait être fantastique aussi.

Oubliant complètement que les deux n’avaient en tout et pour tout partagé ensemble qu’une seule mission (mais tout de même, quelle mission !), Lyu se jeta dans ses bras et l’étreignit de toutes ses forces.

-Reeed ! je suis tellement contente de te trouver ici !

Elle renifla un coup ou deux, et passa sa manche déjà trempée sur ses yeux pour en éponger les larmes.
Puis, après une grande inspiration, elle dévoila en une seule phrase ce qui lui pesait sur le coeur depuis deux jours :

-Personne il m’émeuuu !

Consciente d’avoir tout de même pris à témoin dans son désarroi le cousin Australien de l’Autruche, elle répéta, d’une toute petite voix, en se dégageant légèrement pour éviter de manger le pull de son amie en ouvrant la bouche.

-Je veux dire... je te jure, je crois que plus personne ne m’aime !

Elle leva ses petites mains devant elle, et compta en abaissant un doigt à chaque fois :

-Yattaran me boude depuis l’incident avec Yama, il veut plus me parler. Je veux pas voir Yama depuis qu’il m’a prit mon chocolat à moi, le capitaine, il veut même plus me voir depuis que Maya elle est revenue, et Kei est tellement verte qu’elle parle plus à personne !

Elle ne mentionna pas Mimei, avec qui ce n’était de toute façon jamais la grosse éclate.

-Tu me boudes pas, toi, dis ?

Sans attendre de réponse particulière, elle se laissa tomber sur un banc en bois, et s’effondra sur la table en bois avec les bras sous sa tête, animée d’un tonus sans doute comparable à celui d’une limace en fin de vie.
Genre la limace qui serait passée sous un trente-six tonnes.
À trois reprises.
Lyu se sentait autant de motivation qu’un cadavre sur pattes. Elle soupira longuement.

-Reeed. Pourquoi tout le monde il me déteste ?

Red avait eut un certain temps de pause avant de comprendre ce qui se passait. Elle avait vaguement sentit un ouragan traverser la pièce et venir se blottir contre elle. Regardant plus attentivement, elle se rendit compte que la chose non identifiée qui mouillait son haut était une de ses amies: Lyu. Les deux filles s'étaient connues grâce à une mission sur Fantine (surnommée Mission Chocolat à juste titre) mission assez...particulière qui avait convaincu Red que rester dans sa cuisine toute la journée avec Masu n'était pas si terrible que ça en fait. Comme quoi tout est relatif...
En tous cas, elle était contente de la revoir. Elles s'étaient un peu perdues de vue depuis la Mission Chocolat, ce que la jeune hybride trouvait assez dommage vu qu'elles faisaient une équipe d'enfer. Et puis la jeune soigneuse était une fille sympa. Donc cela alarma un peu l'ex-soldat quand elle vit que son amie était actuellement en train de pleurer. Surtout qu'il lui semblait que ça faisait un moment, vu la rougeur de ses yeux et les traces de larmes sur ses joues.
L'hybride se demanda pourquoi tant de tristesse. Si jamais c'était de la faute de quelqu'un, même du capitaine, elle irai lui apprendre la galanterie. À la manière forte. Puis Lyu lui expliqua ses déboires et la jeune femme calma très vite ses ardeurs. Si elle pouvait massacrer cinq gardes avec une simple matraque électrique, s'occuper de tout un équipage de pirates bien entraînés et armés jusqu'au dents lui paraissait plus compromis. Et elle ne  parlait même pas des gradés...
Soupirant, elle regarda son amie se laisser tomber sur un banc et sentit son coeur se serrer. Elle devait faire quelque chose.
-Les gens sont des cons.
Magnifique entrée en matière, Red. Vraiment.
-Je veux dire...T'es une fille géniale. Tu es intelligente, drôle, pas chiante pour un sous...Alors si les gens ne veulent pas de toi, ils sont débiles. Parce qu'on ne devrait pas laisser quelqu'un comme toi tomber pour des broutilles. Si ils ne sont pas capables de voir ce qu'ils perdent,alors laisse-les tomber, ils n'en valent pas la peine.
Se levant en emportant sa théière, elle s'assis à côté de la jeune fille aux yeux chocolat et lui passa une main dans le dos, pour la réconforter.
-Si tu veux, tu peux prendre une tasse de thé...Non mieux ! Je vais te préparer un chocolat chaud et on va discuter de tout ça. Ça te va ?

la vie était moche, toute pourrie, toute nulle, tout le monde il était méchant. Oui, tout le monde il était méchant de pas être gentil avec elle, et puis d’abord, le vaisseau il était tout gris, et puis tout moche, et puis...

Chocolat ? Lyu butta sur le mot, releva la tête.

Oui, mais Red elle pouvait dire ce qu’elle pouvait, là, et la serrer dans ses bras. Lyu avait décidé de broyer du noir. Et quand même Patachou faisait la tête, c’était quand même qu’elle avait touché le fond.
Patachou ? Bouder !
Mais c’était un chaton, quoi ! Zut !

Chocolat ?
L’esprit de la jeune fille venait de finir d’analyser le mot.

Peut-être que la vie était pas si toute pourrie en fin de compte ?
Son cerveau fit en deux secondes le tour des trois mille recette à base de chocolat qu’elle connaissait par coeur.
Hum, ce n’était pas un mauvais plan. Et en plus, elles se trouvaient fans la cuisine. Soit avec toutes les réserves à portée de main.
Et sans Masu.
L’occasion était trop belle.

La jeune fille sauta sur ses pieds, sont chagrin déjà enterré.
Enfin... le temps d’un chocolat.

-Tu dis rien à Masu, hein ?

Ses escapades nocturnes régulières dans la cuisine faisaient que Lyu, qui était sensée ne jamais y mettre les pieds, connaissait les placard de la cuisine comme sa poche.
elle se rua dans un placard si grand qu’elle y rentrait presque entièrement, tapota pour ouvrir le double fond.
Masu conservait du chocolat de basse qualité dans les placards habituels, mais le vrai bon chocolat noir pâtissier, elle le planquait dans les double fond d’un placard, pour éviter que l’équipage ne vienne taper dedans en douce.
Pour trouver la cachette, il lui avait tout de même fallu subtiliser en douce les plans secrets du capitaine, où il avait indiqué la totalité des planques de chocolat de l’Arcadia avec une croix rouge.

Elle en sortit une tablette, puis réfléchit, et en pris une deuxième. Normalement, la recette originelle n’était pas si chargée en chocolat, mais c’était comme ça que la jeune fille l’aimait.
Habituée de la cuisine, elle escalada l’évier, et se mit sur la pointe des pieds pour atteindre le placard du haut. Pas sa faute si elle faisait pas deux mètres dix comme certains, ici !
Lyu se demandait d’ailleurs comment faisait Masu, qu’elle dépassait encore d’une bonne tête...

Descendant de son perchoir avec une grande casserole, elle sépara les carrés du chocolat et alluma le feu.

-Tu sais où sont le lait et la crème fraiche ?

http://www.marmiton.org/recettes/recette_le-vrai-chocolat-chaud-maison_164759.aspx -> *q*

Red avait su qu'elle avait prononcé le mot magique en voyant Lyu relever soudain la tête. Chocolat. Bon sang, elle ne comprenait pas pourquoi certains étaient si accros de ce truc. Elle n'avait rien contre, loin de là, un petit carré de chocolat (noir car elle n'aimait pas le sucré) de temps en temps, c'était pas mal. Mais Masu lui avait expliqué qu'elle était obligée de cacher les meilleures tablettes et ce, depuis toujours. L'arrivée de Lyu rendant ce geste plus pressant.
Mais ce qui étonna le plus la jeune hybride, c'était le fait que la jeune soigneuse semblait connaître les lieux (et la cachette de chocolat pâtissier) comme sa poche. À croire qu'elle venait assez souvent ici.
L'idée d'en parler à Masu lui effleura une seconde l'esprit mais elle repoussa très vite l'idée. Si elle devait choisir entre sa loyauté envers la vieille cuisinière et faire des nuits complètes dans son lit, le choix était vite fait. Et elle était sûre que les autres cuisiniers seraient d'accord avec elle.
-Le lait et la crème fraiche ? Normalement, ils sont dans la chambre froide numéro trois...Je vais aller les chercher.
Elle s'était toujours demandé si le concepteur de l'Arcadia avait été cuisinier. En effet l'amménagement de la cuisine était tellement fait dans les détails que même Masu ne trouvait rien à redire dessus. Ils avaient un endroit pour les préparations froides, un pour les chaudes, une laverie et même leur propre réfectoire. Mais le mieux restait l'agencement de la réserve. Il y avait d'abord la réserve sèche, où ils rangeaient toutes les denrées non-périssables (dont le chocolat) et qui était aussi la plus pillée. Puis il y avait celle où ils stockaient les légumes avant de les préparer. Et avec ça, les chambres froides. Il y en avait une pour les légumes, une plus petite pour le fromage et la dernière, la plus grande, pour la viande et les autres produits laitiers. Et puis ils avaient un congélateur aussi.
Allant chercher le trousseau de clé qui permettait d'ouvrir toutes les réserves. Elle se prépara à entrer dans la chambre froide. Autrement dit elle mit une veste car elle allait geler, sinon. Elle s'était suffisament fait avoir la première fois...
Elle revint cinq minutes plus tard, légèrement congelée, avec un pot de crème fraiche et du lait de ferme. Ils en avaient récupéré en pillant un cargo en provenance d'une planète appelée Fertili Gen réputée pour ses produits frais d'excellente qualité. Masu en avait été ravie.
Posant les produits à côté de la soigneuse, elle alla se resservir une tasse de thé, autant pour se réchauffer que pour se remonter un peu le moral.
-Tu as besoin d'autre chose ?

Les yeux de Lyu décrivirent une courbe parfaite, suivant au millimètre près la main de Red.
Les clés.
Les clés de la chambre froide.

Le précieux bout de métal faisait partie de ceux qu’elle n’avait pas encore à son trousseau, pourtant déjà bien garni. Chaque fois qu’elle avait besoin d’y accéder, elle était obligée d’attendre qu’un cuisinier y entre, et de se faufiler en douce par la porte ouverte.
Ce qui, une fois, avait bien failli tourner à la Lyu congelée, et on l’aurait probablement récupéré à l’état de glaçon si ledit cuisinier ne s’était pas rendu compte qu’il avait oublié le beurre.
De fait, Lyu avait très vite appris à se servir de la petite fonderie de l’armurerie, et elle était très vite devenue une experte en matière de double de clé. Elle estimait en moyenne à vingt minutes le temps qu’il lui fallait entre l’instant où elle avait la clé originale entre les mains et celui où elle pouvait le remettre en place, le double en poche. Bien évidemment, le temps en question dépendant grandement de la distance à parcourir dans le vaisseau, et des éventuels troubles-fête croisés en chemin.

Quand Red revint, on devinait presque les cristaux de glace qui avaient eu le temps de se déposer dans ses cheveux. Lyu lui sourit.

-Non, j’ai tout, merci.

Et, l’odeur du chocolat en train de fondre aidant, elle soupira, puis, sans se retourner, avoua.

-Je suis tellement contente d’avoir une amie à qui je puisse me confier.

Le mot amie lui était venu naturellement, et elle espérait que Red ne la reprendrait pas. Après tout, elles se connaissaient depuis peu, et ne s’était pour ainsi dire pas beaucoup croisées depuis la mission.

Elle remuait son lait et son chocolat mécaniquement, et y versa la crème fraiche et le sucre.

-Je ne comprends pas pourquoi tout le monde me fuit comme ça... je me dis parfois que je devrais faire des efforts de sociabilité, mais je n’ai pas non plus l’impression d’être une teigne.

Elle se retourna pour fixer Red, qui avait entamé la descente d’une tasse de thé. À ce rythme là, comment faisait-elle pour ne pas passer ses journées aux toilettes ?

-Toi, tu as Masu, et puis tous les cuisiniers, ils t’aiment bien, non ? Et même Kei, Yama et Yattaran, même si tu ne les vois pas beaucoup, enfin...

Elle s'aplatit légèrement sur le plan de travail à droite de sa casserole, tout en continuant de touiller mécaniquement.
Elle qui croyait que le capitaine tenait à elle ! Depuis le retour de Maya, il était a peu près aussi présent qu’un courant d’air et Lyu avait nettement remarqué qu’il faisait tout son possible pour tenir Kei, et l’ensemble de la gente féminine de l’Arcadia, le plus loin possible des appartements de sa douce.
Là, elle trouvait qu’il y allait fort. Bon, à la limite, elles perdaient un capitaine, mais à la limite, il y en avait un autre sur le feu, en la personne du mécheux de première catégorie.
Alors qu’au moins il leur laisse leur chance de se faire une amie !

Lyu avait aussi imaginée qu’avec ça, elle pourrait se rapprocher de Kei. Grave erreur... La seconde s’était changé en une espèce de furie qui s’hérissait au moindre commentaire, et se changeait à la plus petite allusion à Maya ou au capitaine en un monstre difficilement assimilable à la délicate seconde.

-J’aimerais bien au moins essayer de faire un effort pour me réconcilier avec quelqu’un, mais je ne sais même pas par quel bout commencer...

L’autre crétin boulet serpillière ? Même pas en rêve ? le capitaine ? Introuvable. Kei ? Il lui faudrait une arme rien que pour l’approcher. Et une armure intégrale.
Et Patachou ? Alors lui, c’était le pompon. Ce que ce chaton pouvait être buté, tout de même...

Red observait Lyu avec attention. La jeune soigneuse avait beau être entourée de chocolat, elle semblait toujours déprimée. Chacun de ses gestes semblaient plus mécaniques qu'enthousiastes et son visage était triste. La jeune hybride soupira en finissant sa tasse. Elle n'était pas trop habituée à ce genre de situation, ses amis étant généralement plus...virils. Ils ne parlaient pas de leurs problèmes...sentimentaux avec elle et elle en faisait de même. La socialisation ne lui posait pas (trop) de problèmes, mais elle ne pensait pas pouvoir conseiller son amie dans ce domaine.
-Tu sais, moi, je ne suis pas si populaire que ça...
Elle se resservit une tasse, pensive. Puis elle leva sa main et baissa un doigt pour chaque personne évoquée.
-Déjà, je ne peux pas voir le capitaine. Il me met en rogne la plupart du temps, du coup, je suis chiante et désagréable avec lui. Donc forcément, ça ne plaît pas à Kei qui ne m'aime pas des masses. Yattaran est un bon challenger mais un très mauvais perdant. Je ne comprends rien à ce que racontent Mimei et Winnow les trois quarts du temps. Masu est ma supérieure et veut absolument faire de moi sa successeure donc elle est plus sévère avec moi qu'avec n'importe qui. Les autres cuisiniers...On s'aime bien, mais c'est plus comme une famille. Quand à Yama...
Red se rappela leur première rencontre et rougit légèrement. Malheureusement pour elle, sa peau étant naturellement très pâle, ça se voyait très rapidement. Reprenant une gorgée de thé pour se donner contenance, elle reprit:
-Yama...On vient à peine de se rencontrer. Mais il a l'air correct. Quand aux autres...je ne les connaîs pas trop...
La jeune hybride tritura le bord de sa tasse avec ses dents. Elle ne savais pas quoi dire pour lui remonter le moral.
-Raaah ! C'est vraiment compliqué de remonter le moral de quelqu'un ! Je ne suis pas douée... Je comprends mieux pourquoi Yama avait du mal...
Elle aurait bien voulu serrer Lyu dans ses bras, mais celle-ci était en train de cuisiner, alors non. L'ex-soldat privilégiait le contact aux mots, la plupart du temps. Les gens qu'elle appréciait recevaient en général une dose de câlin quotidienne quand elle les voyait. Ou au moins, un frôlement d'épaule, une bourrade amicale, un minimum de châleur qu'elle n'arrivait pas à exprimer avec les mots. Tori lui avait d'ailleurs souvent servit de matelas pour sa sieste et son frère, avant qu'il ne se séparent, lui servait de monture les trois quarts du temps. Soupirant, elle alla poser sa tête sur la table en regardant son amie cuisiner.

L’odeur du chocolat chaud avait commencé à emplir toute la pièce. Ce qui signifiait également que Masu devait être sacrément loin, parce que d’habitude, elle avait une espèce de sixième sens super-affuté pour ce genre de réunions clandestines.
Lyu chipa un bâton de cannelle dans un pot en verre, et l'émietta au dessus de la casserole, humant avec délice le parfum qui s’en échappait.

Oui, Masu devait probablement être morte, décomposée dans un tas de vaisseau pour ne pas encore les avoir égorgée toutes les deux.
Et encore, morte ne suffisait sans doute pas.

Lyu sentait son moral revenir au fur et à mesure que la conversation coulait. Elle laissa même échapper un léger rire à l’évocation du capitaine.
De même, elle réalisa en entendant Red parler qu’il était vrai que son amie, même si c’était plutôt logique étant donné son plus jeune âge, était moins gradée qu’elle. À dix-neuf ans -enfin, vingt-et-un officiellement- elle avait déjà la garde et la direction de l’infirmerie. C’était peut-être pour ça aussi qu’elle voyait moins de monde. Elle avait le nez dans ses papiers, son monde, sa salle, et n’avais de compte à rendre à personne. Contrairement à Masu, elle était suffisamment jeune pour ne pas avoir à penser à choisir quelqu’un et tout lui enseigner, et puis, dans les cuisines, le travail pouvait être collaboratif.
Difficile de passer un chouette moment entre potes quand on avait les mains dans les tripes d’un soldat.

Lyu ôta la casserole fumante du feu, et versa deux tasses pleines à l’odeur délicieuse.

-Une recette secrète obtenue au péril de ma vie, plaisanta-t-elle.

Soit en réalité volée dans les appartement de Yama à trois heures du matin, en tenue d’infiltration complète, après trois quart d’heure de recherches dans la bibliothèque privée du second et un piratage de la porte à son actif.
Et si elle avait joué les froides tout le temps où elle avait été employée par Gaia, Lyu avait été, à l’université, une vraie spécialiste des groupes de filles, et savait en conséquent parfaitement interpréter les petits signes de trouble.
Alors des joues qui rosissaient, c’était vraiment trop facile !

Elle but une petite gorgée de chocolat, appréciant la brulure du sucre dans sa gorge. Cette boisson faisait un bien fou !
Trop heureuse de changer de conversation, elle sauta sur l’occasion :

-Yama ? Tu as passé du temps avec Yama ? Il te plait ? Tu lui plais ? C’était bien ?

Red commençais à penser à ce que Masu allait leur faire si jamais elle le trouvait là. L'option la plus effrayante étant qu'elle vienne prendre le thé avec elles tout en discutant. L'idée même faisait frisonner la jeune cuisinière.
Mais ce qui l'inquiètait encore plus, c'était la tournure que commençait à prendre la conversation. Elles étaient sensées parler des problèmes de Lyu pas de...Yama. Le cerveau de Red fut soudain plus alerte. Il ne faut pas se foirer sur ce coup-là. Elle avait classé sa rencontre avec le jeune homme dans la catégorie "classé top secret à ne jamais réveler, même sous la torture la plus horrible" et ce n'était certainement pas la bouille adorable de Lyu qui allait changer ça. Mais pas en rêve...
-Oulà ! Une question à la fois, miss !
Comme ça, ça lui ferait gagner un peu de temps.
-D'abord...oui, j'ai passé du temps avec Yama, il y a quelques jours.
Et elle n'avait compté le nombre exact d'heures de minutes et de secondes depuis. Pas du tout. Sauf peut-être une fois où elle s'ennuyait et n'avait rien d'autre à faire. C'est tout.
-Ensuite, il ne me plait pas. Enfin, je veux dire, il n'est pas désagréable à regarder et il est plutôt sympa, mais... Pas comme ça.
Et voilà. Bien joué Red ! Tu viens d'être couronnée Excuse la moins crédible du millenaire !
-Quand à lui plaire.. Ça, ça m'étonnerait beaucoup.
Mais si bon, il l'avait embrassée. Mais c'était une simple vengeance pour son comportement plus que bizarre juste avant, c'est tout.
-Et comment c'était ? C'était...plein de trucs ! Bizarre,incongru, embarrassant par moments....Mais c'était bien. Étrangement bien.
L'hybride soupira et se jetta sur sa théière qu'elle trouva...vide. Maudissant intérieurement l'inventeur des théières à capacité de stockage limité (une théière à capacité infinie serait tellement plus pratique !), elle alla la poser dans l'évier dans l'optique de la nettoyer plus tard (c'est a dire, avant que Masu ne revienne). Au passage, elle mit un doigt dans la casserole pour goûter au chocolat. Étrangement, le goût lui rappelait quelque chose...
Elle s'accouda à un plan de travail et ajouta, l'air de rien :
-D'ailleurs, vous n'utiliseriez pas la même recette, par hasard ?

Lyu se sentit d’un seul coup légèrement rougir. Apprendre qu’elle, sensée être spécialiste hors catégorie du chocolat et recettes associées, avait volé une de ses plus fameuses recettes à Yama, c’était devenir la risée de ce boulet, qui retournerait forcément ça contre elle.
Intolérable !

Elle improvisa en cinq secondes un mensonge éhonté. De toute façon, Red avait déjà l’air suffisamment préoccupée par ses souvenirs de sa soirée avec Yama pour réellement pouvoir décortiquer sa réponse :

-Ah, tu as remarqué, toi aussi ! s’exclama-t-elle, sur un ton faussement colérique.

Elle mit ses poings sur ses hanches, tachant de se trouver une crédibilité :

-Cette ordure s’est introduit dans l’infirmerie ET dans ma bibliothèque personnelle pour me voler cette recette !

Bien consciente de mentir aussi bien qu’un gamin de huit ans qui jure que non, il savait pas qu’il y avait un gâteau au chocolat dans le frigo, avec encore du sucre glace dans les cheveux et de la chantilly sur les mains.
Elle s’empressa de basculer sur un autre sujet :

-Oh, mais il t’a fait du chocolat chaud ! Et tu dis qu’il ne s’est rien passé ! Tu crois que je vais croire que je peux te croire quand tu me dis de te croire ? Mais ce serait croire que je crois que tu ne crois pas que je peux croire que... Euh... attend...

Elle se prit la tête entre les mains, embrouillée toute seule dans sa propre tirade.
Lyu s’assit tranquillement et but une seconde gorgée de chocolat.
Alors Yama ne lui plaisais pas, hein ? Amusée, Lyu décida de taquiner gentiment son amie. Après tout, elle était de deux ans son aînée, elle avait bien le droit de l’asticoter un peu !

-Ah oui, embarrassant, mais étrangement bien... Ça me rappelle quand je suis arrivée sur le vaisseau !

Elle se rejeta en arrière, en soupirant de bonheur :

-Moi aussi, Yama m’avait invitée à boire un verre dans sa suite ! Une petite bouteille de champagne, pour fêter mon arrivée. Ça s’est fini sous les draps. Bon sang, je te comprends quand tu dis qu’il n’est pas désagréable à regarder !

Son regard posé sur le plafond, elle cherchait, avec un visage faussement mélancolique, à chercher à détail pour rendre Red jalouse et la forcer à l’avouer.

-Mes plus belles nuits depuis longtemps. C’est dingue ce qu’il est bon, tout de même !

Elle fit à Red un clin d’oeil amusé :

-Enfin, après, on a eu ces petits différents, mais on tiens trop l’un a l’autre. je crois qu’entre nous deux... c’est passionnel, on ne peux juste pas cesser de se voir !

Elle lécha langoureusement la petite traînée de chocolat sur ses lèvres, un regard brillant illuminant ses prunelles brunes :

-Je te laisse deviner ce que je fais ce soir ?

Le cerveau de Red mit un certain temps à capter l'information, à la traiter pu enfin à la comprendre. Ce qui fait qu'elle passa cinq bonnes minutes à regarder Lyu d'un air vide comme si son esprit venait de la quitter. Heureusement pour elle (ou pas d'ailleurs), elle réussit à sortir de sa torpeur. Cependant, ses pensées semblaient un peu confuses car tout ce qu'elle put dire fut une étrange bouillie qui ressemblait à ça :
-Gné ? I mean....Tu...Yama... Vous....What !?
Bon, on reprend ses esprits, Red, et on se calme. Lyu vient juste de te dire qu'elle "sort" avec Yama, ce n'est pas la fin du monde, non ? Il faut juste que tu arrêtes d'imaginer la scène et tout ira bien. Cerveau, j'ai dit stop ! Voilà, c'est mieux.
Donc Lyu sort avec Yama. Bien. Qu'est-ce que fait une amie dans ces cas-là ? ... Tu ne sais pas ? Bon, ben on va improviser.
-Ah.... Alors comme ça, toi et Yama... C'est assez...incongru.
On est sur la bonne voie. Tu peux y arriver.
-J'imagine que je dois dire... Félicitation ?
Red se passa une main dans les cheveux pour les ébouriffer. N'importe qui la connaissant suffisament saurait que c'était un signe trahissant sa gêne, mais la jeune hybride pensait que Lyu la connaissait trop peu pour le savoir.
-Faut dire que je ne suis pas habituée... Normalement, je traînes plus avec des mecs, du genre célibataires endurcis, alors... Mais c'est bien ! Je suis contente pour toi !
La jeune femme ignora la pointe de tristesse qui semblait lui transpercer le coeur, et ajouta :
-En tous cas, ne t'inquiètes pas, il ne s'est rien passé entre nous. Nous avons juste discuté. En fait, je suis plutôt contente de lui avoir parlé car il a réussit à me remonter le moral qui était assez bas. Mais pour moi, ce n'est qu'un ami, rien de plus.
Ne pas parler du baiser. Ne pas penser au baiser. Et frapper Yama pour l'avoir fait alors qu'il avait une copine.
Se sentant un peu inutile tout d'un coup, elle se tourna pour commencer à faire la vaisselle. Au moins, ça serait fait....

Lyu ne put résister plus longtemps.
Elle éclata d’un rire franc et innocent.

Se levant, elle passa derrière Red, et la serra contre elle.

-Oh, mais je plaisante, Red ! Comment est-ce que tu as pu me croire, bon sang !

Elle passa une main pour essuyer les larmes qui lui montaient au yeux. Red avait réagi encore plus violemment qu’elle ne l’aurait jamais cru !

-Je t’embête, Red, je suis méchante ! Tu sais, la seule fois ou je suis rentrée dans les appartements de Yama, il ronflait comme un bienheureux, et je lui ai volé sa recette, et notre dernier échange, si je me souviens bien, je l’ai traité de balai à chiottes, et lui de sangsue mal lunée...

Si les insultes lui restaient assez claires (c’était fou comme l’un comme l’autre, ils pouvaient être inventif dans ce genre de situations), Lyu avait un peu de mal à re-situer le contexte.
Hum... Peut-être bien il y a deux nuits, quand ils s’étaient trouvés enfermés dans la même chambre froide en essayant de venir taper dans les trois litres de chantilly préparés par Masu la veille au soir.
Très constructif, cette nuit-là, en matière d’insultes...

Lyu lâcha Red, et sortit d’un placard un gros appareil de couleur rouge, ainsi qu’une seconde casserole. Tous ses chagrins s’étaient envolés d’un coup.

-Alors tu sais quoi ? On va se faire une bonne vieille énorme raclette, entre filles, et tu vas me raconter tout ça !

Son visage se plissa, malicieux :

-Et tu ne me feras pas croire qu’une fille qui réagit aussi jalousement ne ressent rien. «Félicitations» hein ? Tu vas voir, à la troisième patate, moi, je veux tous les détails !

Elle mit de l’eau sur le feu, et sortit quelques patates d’un grand panier.

Red se demanda un instant si elle n'avait pas atterit dans une dimension parallèle. Elle mit cette reflexion sur le compte du trop-plein d'émotion. C'est vrai quoi ! D'habitude, c'était elle qui roulait les gens, pas l'inverse ! Et elle n'aimait vraiment pas ça. À vrai dire, elle hésitait entre bouder Lyu pour s'être moquée ainsi d'elle et se frapper la tête contre les murs pour s'empêcher de penser. Elle choisit une option plus constructive: finir de laver la vaisselle.
C'est donc les mains pleines de savon qu'elle vit la jeune soigneuse sortir l'appareil à raclette. Son estomac gargouilla douleureusement à la perspective de faire un tel festin. Il fallait dire qu'elle avait eut l'excellente idée d'aller s'endormir dans un coin paumé du vaisseau et avait ainsi loupé le déjeuner. Étant habituée à sauter quelques repas, elle avait trompé sa faim avec du thé mais la simple pensée de manger réveilla cette faim. Bien sûr, elle aurait pu prendre suelque chose dans la réserve, mais sa flemme était comme toujours, plus grande que le reste. Dans la vie, il fallait faire des choix...
Ayant fini sa besogne, elle laissa les casseroles égoutter et entreprit d'aller chercher du fromage et de la viande. Elle adorait la raclette car elle réunissait à peu près tout ce qu'elle aimait manger (bon, seulement si on oublie le thé... Et le raisin) mais surtout parce que ça lui rappelait l'hiver. Elle adorait cette saison, annonciatrice de neige, de discussions au coin du feu et de jeux. Oubliant ses états d'âme, elle prit également des champignons et d'autres légumes, pour accompagner.
Elle passa cinq bonnes minutes pour faire une jolie présentation sur les plats (elle ne le faisait pas souvent, mais quand elle s'y mettait, elle se débrouillait bien) et alla les poser sur la table.
Ensuite, elle alla à côté de Lyu, autant pour profiter de la chaleur de la cuisson que pour lui montrer qu'elle ne boudait pas.
-Il fait chaud. C'est agréable.
Elle espèrait vraiment que son amie cesse de vouloir lui soutirer des informations à propos de Yama. Elle-même avait suffisement de mal à démêler son ressentit par rapport au jeune homme, alors en parler à quelqu'un....

[J'imagine que mon espoir sera vain..]

Lyu se leva, et marcha jusqu’à la porte qu’elle ferma à clé. De toute façon, Masu et tous les seconds en cuisine avaient un double, alors c’était une simple précaution pour éviter d’être surprise en pleine soirée raclette par un soldat trop curieux et un peu saoul en quête d’une énième bouteille d’alcool.

Elle mit le couvert pour deux en chantonnant, et balança son pull sur la chaise, parce qu’il commençait à faire un peu chaud, avec l’appareil à raclette qui tournait à plein régime.
C’était une espèce d’antiquité sans doute collectée par Masu dans un endroit douteux, un appareil qui fonctionnait encore à l’électricité quand tout maintenant marchait à la perfection avec ces fameux cristaux.
Lyu se demandait en souriant quand est-ce qu’on allait sortir les appareils à raclette à la matière noire. la Raclette Hardcore !

Elle sortit les patates de l’évier pour les mettre dans l’eau bouillante, et de l’autre main, découpa le fromage en tranches.
Rien que l’odeur lui mettait déjà l’eau à la bouche.

Lui fit assoir Red de force sur le banc en face d’elle, et la laissa se servir. La jeune fille mit une tranche de fromage à fondre en face d’elle, et en profita pour taper dans la charcuterie.
Tout en ôtant consciencieusement la peau de son saucisson, et releva la tête pour sourire à son amie aux cheveux blancs :

-Ouais, tu dois être en train de prier pour que je te lâche les basket !

Elle avala goulûment son morceau de jambon avant de vérifier un instant la cuisson du fromage. Oh, encore un peu de temps pour qu’il soit parfait.

-Tu sais, moi, on m’a jamais appris à faire dans la dentelle, avec les sentiments ! Jusqu’à mes... enfin, jusqu’à ce que je me barre de cette saleté de coalition, j’ai presque toujours été promise à quelqu’un, même si ladite personne a changé plusieurs fois. J’ai même été draguée par mon supérieur, alors...

Cette fois-ci, il était à point. Lyu saisit délicatement le petit bout de plastique entre ses doigts fit et fit couler le fromage fondu dans son assiette tout en entreprenant d’éplucher une pomme de terre sans se brûler.

-Tu sais, à notre âge, oublie les sentiments ! Ils ne valent... rien ! Si Yama te plait, alors fonce, c’est toujours mieux que d’avoir des regrets pendant des mois.

Elle lâcha sa fourchette et porta son index à sa bouche en gémissant. Lyu venait de joliment se brûler, rien de grave, mais toujours un peu douloureux, surtout pour une gamine aussi douillette qu’elle.
Elle fit un clin d’oeil amusé à Red :

-Même si entre nous... c’est un boulet !

Red comprenait parfaitement ce que voulait dire Lyu. Après tout, contrairement à ce que pensait Lyu (et ce qu'elle laissait paraître également) elle avait déjà des relations, pas très sérieuses, il est vrai, mais quand même. Elle n'était pas non plus une idiote. Elle savait comment fonctionnaient les relations humaines. Et ça ne la tentait pas du tout.
Regardant son fromage frondre, elle dit :

-Tu n'arrêtes pas de répéter ça. Mais tu vois, c'est ça mon problème, je n'ai rien contre les boulets...

Elle soupira et prit son fromage pour le mettre à côté de sa pomme de terre et prit un morceau de jambon qu'elle grignota pensivement.

-Mais je ne pense pas vouloir être avec lui. Je l'aime bien mais... Pas comme ça. Et puis, on ne se connaît que depuis quelques jours, se serait bizarre. Surtout qu'il ne connaît pas encore mon côté...moins amical.

Et encore, elle était polie en disant ça. Elle savait parfaitement qu'elle était souvent impossible à vivre, mais n'arrivait pas à changer de comportement. Cela faisait trop longtemps qu'elle agissait de la sorte pour changer aujourd'hui. À force de se battre tout le temps pour se faire respecter, elle avait oublié comment se passaient les relations simples. Enfin, elle exagérait un peu en pensant ça. Elle n'avait jamais eut de problèmes avec Tori ou même aujourd'hui avec Lyu.
Agacée par elle-même, elle planta rageusement sa fourchette dans sa pomme de terre et commença à manger en broyant du noir. Elle n'oserait jamais l'avouer, mais desfois, elle avait vraiment du mal à supporter son propre comportement.

Un petit rire releva le visage de Lyu, ses pommettes rondes venant plisser ses yeux amusés. Yama était vraiment un boulet de première, ça, oui, elle en était intimement convaincue. En revanche, Red qui lui faisait remarquer que cette constatation faisait partie de ses phrases habituelles la faisait sourire, oui, parce que cela voulait dire que la jeune fille était beaucoup plus attentive qu’il n’y paraissait à chacune de ses évocations de Yama.
Mais y avait-il seulement un autre qualificatif digne de cet idiot de première classe, qui prenait ses grands airs pour donner des ordres sans arriver à la cheville du capitaine ?
Non, Lyu n’appréciait pas Yama. Et ce n’était pas son visage de mécheux ou sa carrure de beau gosse qui allaient changer la donne...

-Moi tu sais, des boulets, j’ai eu tout le temps de les apprécier !

Parce quand on est jeune, intelligente et joli... Ouais, nan. Quand on est l’héritière des Saika, le nombre des prétendants prêts à se pointer sous votre balcon avec des roses et une guitare augmentait considérablement.
Des boulets, Lyu en avait connu des gentils, des vicieux, des hypocrites, des maladroits, des gros, des grands, des mignons.

La palme d’or revenait probablement à Dan, qui sous prétexte qu’il était gradé et bien foutu avait visiblement considéré comme acquise la présence de Lyu dans son lit. La jeune femme espérait bien fort que ce dernier digérait au chaud dans sa tombe les vingt grammes de plomb qu’elle lui avait mit dans le ventre...
Lyu versa la fromage fumant sur une tranche de jambon, et en mit un second à fondre. Elle roula sa charcuterie pour en faire un petit tube autour du fromage, ajouta un quart de pomme de terre, et engloutit le tout avec une voracité mal dissimulée.
Elle prit le temps de bien mâcher, puis but un fond d’eau avant de reprendre la parole.

-Je n’ai pas une très grande expérience des couples, tu sais, et ce que je sais surtout, c’est qu’il n’y en a pas deux identiques, mais je pense avoir fini par comprendre qu’au moins au début, tu n’as pas à te soucier de ce genre de choses. Si Yama te trouve à son gout, c’est bien que tu lui plais, comme tu es. Tu n’as pas besoin de d’inquiéter de tes mauvais penchants.

Elle coupa un bout de pomme de terre en deux, en attendant sa deuxième tranche de fromage.

-Dans plusieurs mois, plusieurs années peut-être même, alors oui, il faut avoir à faire face à l’autre comme il est, et non plus comme l’amour nous l’a montré. Mais je trouve que c’est trop bête de se priver d’une histoire qui pourrait être belle juste pour des préoccupations auxquelles on aura à faire que dans un moment !

Elle se leva pour rincer ses doigts pleins de fromage.

Red comprenait parfaitement ce que voulait dire Lyu. Oui, parfaitement. Mais ça ne l'empêchait pas de penser que ce n'était pas une bonne idée.
Fatiguée à l'avance par la suite de la conversation, elle se vautra de manière tout à fait distinguée et classe sur sa chaise. Autrement dit, elle ressemblait à ce moment précis, à une baleine échouée sur la plage.
Une fois bien installée (enfin, d'après elle) , elle continua de picorer dans son assiette tout en surveilant la cuisson de son fromage. Elle était en train de tester le fromage avec des champignons, ce qui avait l'air assez intéressant gustativement parlant. Malheureusement pas suffiement pour la détourner un minimum de la conversation.
Agacée par le silence qui venait de s'installer, elle lança :

-Tu as sûrement raison. Mais tu vois, moi, en fait....

Elle leva les yeux de son assiette pour croiser le regard de son amie.

-J'ai vraiment trop la flemme.

Se sentant obligée de s'expliquer, elle ajouta :

-Ben oui, les relations de ce genre, il faut s'impliquer un minimum,et tout ça... Et moi, rien que d'y penser, ça me colle la migraine. Alors, la flemme. C'est plus facile de s'ocuper d'une plante verte que d'avoir un copain. Au moins, avec la plante verte, tu n'as pas besoin de t'engager émotionellement.

Elle prit son fromage, qui venait de finir de fondre, et commença  à le manger, satisfaite de son argumentaire. Si avec ça, on la laisait pas tranquille...

-Et toi, alors ? Tu n'as personne en vue ?

Elle eut un grand sourire. Après tout, pourquoi serait-elle la seule dont on se moquait gentiment ?

Abandonnant définitivement tout espoir de manger dignement sa raclette à la fourchette et au couteau comme une fille bien élevée, Lyu aligna ses couverts le long de son assiette avant d’attaquer le jambon couvert de fromage directement avec les mains.

-Tu sais, lança-t-elle sur le ton de la confidence, je fantasme secrètement sur Thos depuis mon arrivée ici !

Elle se jura qu’après celle-ci, elle arrêtait de se moquer de Red. Promis juré.

-En même temps, il est telle-ment se-xy avec son visage brûlé... Et j’ai toujours aimé les gros musclés...

Elle avala son fromage avant de pouffer :

-Mais naan, je rigole, ravale-moi cette tête de déterrée ! Je n’ai personne en vue, d’accord ?

En frottant ses mains grasses sur du sopalin, elle ne put se retenir d’ajouter :

-Enfin, j’étais fiancée avec le capitaine, mais vu que Maya est revenue, on a dus annuler, parce que la polygamie, ça le faisait moyen, tu vois...

Son sourire en coin ne trahissait que trop bien que cette fois, elle racontait trop de bêtises pour réussir à faire semblant de garder un peu de sérieux.
Lyu hésita à lui parler de Dan. Mais elle trouvait toujours un peu délicat d’aborder le sujet du supérieur qui avait débarqué chez elle alors qu’elle n’avait que quinze ans pour lui proposer une place à l’université, puis une place dans son équipe à dix-huit ans, et une dans son lit à dix-neuf. Moyennement romantique, comme type...
La jeune femme opta pour une anecdote plus amusante :

-Tu sais que quand j’étais gamine, genre quatre-cinq ans, mes parents ont voulu me promettre ?

Elle se pencha en avant, tentant de se remémorer les détails de l’histoire :

-Ils m’avaient choisi un espèce de vieux crouton à moitié chauve, je te jure ! Le Type devait avoir la quarantaine déjà, il était super-riche et super-barbant ! Mes parents l’avaient invité à prendre le thé, je m’était endormie sur les genoux de ma mère juste en l’écoutant parler !

Elle avala une grande gorgée d’eau pour s’éclaircir la gorge :

-Heureusement pour moi, il fumait comme un pompier, il a chopé un cancer carabiné, personne a rien pu faire !

Et puis elle s’était taillée avant qu’on ait le temps de la fiancer à Dan... Une bonne chose.

-Sur le vaisseau, qui veux-tu que j’ai en vue ? Le capitaine, il est pris, et tu te réserves le dernier beau gosse !

Elle lui tira gentiment la langue.

Red rit.

-Je "me réserve le dernier beau gosse" ? N'exagère pas ! Tu l'as dit toi-même, c'est un boulet ! Et puis je ne me réserve personne, fais donc ce que tu veux.

Elle mordilla dans un morceau de jambon.

-Et puis l'univers est vaste, non ?

Elle avait eut un petit sourire en disant ça. Ça lui rappelait des souvenirs.

-Tu sais, moi, je n'ai pas d'histoires intéressantes côté coeur. Mais je me souviens bien de celle de mes parents.

Elle eut un petit rire nerveux.

-Je sais que ça fait un peu gamin, mais c'est une histoire qui m'a marquée. En même temps, elle est un peu....atypique. De toutes les femmes de l'univers, il a fallut qu'il tombe amoureux d'une extra-terrestre. Qui habitait complètement à l'opposé de sa planète natale. Il disais que s'il n'avait pas décidé de voyager, il aurait sûrement raté la femme de sa vie. Mais ma mère n'était pas d'accord, elle n'arrêtait pas de répéter qu'elle se serait bien passé de rencontrer un boulet pareil. Mais elle ne pensait pas ce qu'elle disait et ça se voyait.

Elle resta un moment pensive.

-Je me demande ce qu'elle me dirait aujourd'hui...

Elle l'engueulerait probablement pour toutes ses tribulations puis elle lui dirait à quel point elle est fière de ses enfants. Elle avait toujours été comme ça, sa mère.

-Bref. On ne peut pas changer de sujet ? Parler de....je ne sais pas... Tu savais que Yattaran portait super bien le costume de neko ?

Lyu se retourna, souriante, et éclaboussa Red de ses mains encore mouillées en riant. Elle se rassit en se calant dans le dossier de sa chaise, le ventre plein.
Les deux mains sur son estomac distendu, elle ajouta :

-Attend, tu veux qu’on arrête de parler coeur, et tu balance Yattaran en costume de Neko ! Mais ça doit être le truc le plus sexy de la semaine, ça !

En s’étirant, elle confessa :

-Chaque fois qu’on fait des concours de ce type à l’infirmerie, c’est toujours Patachou qui gagne, c’est de la triche !

À propos de chaton, Lyu notait avec une intense satisfaction que la portion miniature de boule de poil n’était pas venue lui réclame un bout de sa raclette, et que ça relevait du miracle. Le chaton devait probablement être assoupi quelque part dans sa panière.
Oui, «quelque part dans son panier», parce que Patachou était tellement minuscule qu’on avait l’impression qu’il pouvait se perdre dans sa propre couverture.
La jeune fille se creusa un peu la tête, pour réfléchir aux nouvelles de l’Arcadia. Elle en voyait passer pas mal, dans l’infirmerie, et vu qu’on était généralement plus bavard quand on était bourré, être l’infirmière apportait pas mal d’avantages en termes de ragots.

-Tu sais que les gars ont encore été se faire une cuite monumentale dans la cale hier soir ? Thos a débarqué à l’infirmerie ce matin avec une migraine pas possible, il m’a supplié de le couvrir pour qu’il puisse sécher son quart !

Tout en parlant, Lyu ne pouvait s’empêcher de réfléchir aux paroles de Red. Si son amie sortait avec le mécheux, cela ferait une bonne occupation au boulet de service, et donc une autoroute non négligeable vers toutes les cachettes de chocolat.
Car il fallait bien se l’avouer : avec un accès à tout le vaisseau, et à certains quartiers du capitaine, Yama avait toujours une longueur d’avance sur elle, et cela la mettait hors d’elle.

-Tu ne devinera jamais qui avait le plus bu ? C’est Kei ! Elle était ivre morte dans une caisse de boîte de thon, il y a deux gars qui on dû la porter ! J’ai rarement écrit autant de dispense de quart pour cause d’angine, moi...

Devant l’air surpris de Red, Lyu précisa :

-Ah, oui. Vu que le capitaine aime pas trop sur les certificats médicaux «complètement torché», j’invente des maladies pour faire genre. Mais je pense qu’il est pas complètement dupe quand même ! À moins que Maya l’ait définitivement abruti... Quand je les vois tous les deux, j’ai l’impression que pour lui faire plaisir, il pourrait se mettre en caleçon et lui danser un opéra classique avec des ailes de papillon dans la dos et une corne de licorne sur le front...

L’image la fit sourire.

-T’as pu la rencontrer, toi, d’ailleurs, Maya, ou Notre cheeer capitaine la garde toujours sévèrement ?

Red était plutôt satisfaite de voir que Lyu avait oublié ses problèmes et riait même. Même si bon, elle aurait préféré que la jeune soigneuse ne se moque pas d'elle de la sorte, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie....
Elle repoussa son assiette et alla à son tour se laver les mains.

-Maya ? Non, je ne l'ai pas croisée. Le capitaine est trop proche d'elle pour que j'aie l'occasion de lui parler...

En effet, beaucoup de monde (pour ne pas dire tout l'équipage) avait pu constater que la présence du capitaine faisait souvent office de Repousse-Red. Et grâce à ses sens hybrides, elle pouvait l'éviter pratiquement tout le temps. Sauf quand elle était près du générateur à matière noire, qui avait cette même odeur étrange que celle de son supérieur.

-D'ailleurs je la plains un peu, même si je dois être l'une des rares filles du vaisseau qui pense ça.

La jeune fille n'avait jamais compris d'où venait l'attirance que ressentaient un bon nombre de filles envers le capitaine. Elle avait beau être une hybride et par conséquent penser un peu différemment, mais erlle n'arrivait pas à voir ce qu'elles pouvaient trouver au Mècheux Suprême.
Les seules choses qu'elles ressentaient en sa présence, c'était de l'agacement, de l'ennui et un vague sentiment de respect. Mais rien d'autre. Décidemment, il y avait encore bien des choses qu'elle ne comprenait pas....

-J'avoue ne pas comprendre d'où vient son succès d'ailleurs....

Elle s'affala sur sa chaise pour regarder Lyu d'un air interrogateur. Après tout, peut-être que son amie pourrait lui expliquer, elle.
Elle avait aussi envie de boure une tasse de thé, mais avait vraiment trop la flemme de se relever pour s'en faire une....

En sifflotant, Lyu ramassa les deux assiettes et empila les couverts dedans. Les deux récipients étaient tous propres, signe que les deux fille s’étaient régalées. Et de fait, Lyu avait le ventre bien plein, et l’estomac lourd. Elle déposa son fardeau dans l’évier, repoussant un peu le moment de la vaisselle, et vida un énième verre d’eau.
Réfléchissant aux paroles de Red, elle ne put retenir un soupir énamouré, levant les yeux au ciel.

-Ça, c’est certain qu’il va falloir qu’on t’explique ! T'amouracher de la pire serpillère que l’univers ait porté, mais rester indifférente au capitaine... Tu n’as pas tout compris ?

Désireuse, au moins une fois dans la soirée, de faire une réponse sérieuse et pas une plaisanterie de plus, elle se plongea dans ses pensées, commençant à éplucher mécaniquement l’orange sortie du panier de fruits frais.

-Je crois que ce qui rends toutes les filles folle du capitaine... Ça doit être son côté sombre. Enfin, je veux dire, on ne l’a pas connu avant qu’il perde la matière noire, mais c’est Kei qui m’a raconté.

Occupée à ressasser ses vieux souvenirs, elle en oublia de parler, gardant pour elle ses vieilles pensées. Quand il avait encore en lui la matière noire, Albator ne confiait plus rien à personne, et ne se laissait même pas toucher. Même pas par elle, sa fidèle seconde.
Lyu avait cru comprendre que cela rendait Kei malheureuse.

-Oui, définitivement, reprit-elle. C’est quelqu’un qui doit bien avoir cent ans, et qu’est-ce qu’on sait de lui, à part qu’il est triste et fatigué, mais qu’il se bat quand même pour la liberté ?

Les lambeaux d’informations qu’il lâchait parfois ne faisaient que le rendre plus incompréhensible encore aux yeux de son équipage. Il n’y avait qu’à regarder la mission sur Fantine, ou même l’annonce qui avait circulé, celle proclamant qu’il avait détruit la Terre.

-C’est un Homme très courageux, parce qu’il a fait des choses horribles, mais qu’il tient encore debout, et qu’il a encore la force de se battre. Il dirige le plus grand vaisseau pirate que l’univers ait porté, de loin, tu t’imagines qu’il est... vraiment fort et puissant. C’est l’impression qu’il donne au début, et c’est pour ça que les filles en sont folle. Pour le pouvoir.

Elle avala un quartier d’orange, puis posa sa tête sur sa main, songeuse.

-Et puis plus tu le côtoies, plus tu te rends compte qu’en réalité, c’est quelqu’un de fragile, avec des faiblesses, comme nous. Et puis de triste, aussi.

Elle se redressa brusquement et secoua la tête comme pour chasser ces pensées.

-Je parle pour moi, hein ? Mais c’est vrai que c’est peut-être parce que je suis médecin, mais je m’éprends souvent des gens qui ont besoin d’aide. Et quand je dis m’éprend, je parle pas d’amour !

Trouvant soudain que l’instant émotion avait bien assez duré, Lyu se leva d’un bond, faisant grogner son ventre plein.

-La preuve avec toi, dit-elle, malicieuse. Tu as besoin d’aide.

Sachant que Red allait probablement ne pas être tout à fait d’accord avec elle, elle piqua un sprint vers la porte en criant et riant à la fois :

-Et si j’allais parler à Yama, moi ?

Red avait regardé Lyu sortir en étant partagée entre deux options. La première, c'était de courir après la soigneuse pour l'empêcher d'aller parler au jeune second. Le problème, c'est qu'il fallait courir et qu'elle n'en avait pas envie.
La deuxième option serait de rester là et attendre que Lyu aie fini son numéro auprès de Yama, pour ensuite démentir son propos un peu plus tard.
Étrangement, la seconde paraissait plus attrayante.

-La fleeemme...

Elle était à moitié allongée sur la table. Sa flemme venait de lui tomber dessus comme une chappe de plomb et elle n'arrivait plus à bouger ne serait-ce que pour bouger le petit doigt...
La jeune hybride se leva quand même parce qu'elle avait mal au dos et alla se caler à côté du four, qui même si il était pas allumé,restait la place la plus confortable de la cuisine.
Elle sortit le livre de Yama et continua à lire. Contrairement à ce qu'elle croyait, elle aimait bien lire. Ça lui permettait de penser à autre chose, de sortir de son quotidien un peu morose...
Elle avait même bien avancé dans sa lecture, puisqu'elle en était au quart de la lecture.
La seule chose qui la gênait, c'était de devoir lire assez près car les carctères étaient écrits trop petit pour elle. A moins que ce ne soit parce qu'elle n'était pas habituée à lire, après tout, elle avait arrêté de venir en cours depuis le collège et elle ne lisait que rarement.
Sans mêle s'en rendre compte, elle s'endormit...

Lyu sprinta sur trente bons mètres dans les couloirs avant de se rendre compte que Red... Ne suivait pas du tout. Elle revint sur ses pas, se demandant si elle, qui était pourtant une vraie calamité à la course, avait réussi à la semer, avant de découvrir en ouvrant la porte, son amie affalée à côté du four, ronflant, un livre encore dans les mains.

-Ah bah bravo, chuchota-t-elle pour elle même.

Elle entra sur la pointe des pieds en veillant bien à ne pas faire grincer la porte, et retira délicatement le livre des mains de Red, pour le poser avec soin sur la table en bois.
Elle pensa tout d’abord la ramener dans sa chambre, mais se rendit compte très vite que la soulever du sol, ne serait-ce que pour la porter sur cinq mètres, relevait de l’exploit. Et puis, elle ne savait même pas où était sa cabine...

Après un moment de réflexion, elle se pencha sur red, et retira très délicatement la radio à sa ceinture, dans laquelle elle entra le numéro du code de Yama.
Si elle l’avait fait avec sa propre radio, elle pouvait parier quatre portions de choucroute que jamais le seconde n’aurait décroché.
Elle mit sa manche sur sa bouche pour masquer un peu sa voix, comme elle l’avait vu dans le peu de films non censurés qui passaient sur Gaia, et attendit que Yama décroche. La réponse du second ne se fit pas attendre.

-Red ?
-Yaa...m...a articula-t-elle en tentant de masquer sa voix au maximum. Viens v...ite... Cuis...ineuh.
-Red ? C’est toi ? tu es où ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

Lyu raccrocha brutalement, puis ramassa tout ce qui appartenait à elle. Juste avant de quitter la pièce, elle réfléchit, puis fit demi-tour, et au dessus de Red, inscrivit d’un doigt assuré, dans la cendre recouvrant le mur :
«Kiss me»

Très fière de son coup, elle ouvrit la porte de la cuisine et détala comme un lapin, en pouffant dans ses mains.

«Advienne que pourra !» songea-t-elle en regagnant l’infirmerie.

[C'est fini pour moi ^^]

Red dormait paisiblement dans son coin quand un grand bruit la réveilla.

-Boum !
-Gné ? What ? C'estpasvraijenedormaispasd'abord.

Voyant que contrairement à d'habitude, aucun couteau ne lui était lancé en pleine figure, elle se leva (avec beaucoup de difficultés, il est vrai) et alla vers la source du bruit.
Elle resta un moment bouche bée devant la scène :

-Yama ? Pourquoi est-ce que tu imites la serpillère ?

Le jeune homme rougit et tenta de se relever mais ne réussi qu'à s'étaler encore plus par-terre. Levant les yeux au ciel pour cacher son amusement, la jeune hybride lui tendit une main pour l'aider.

-Merci, euh, je veux dire...
-Tu as besoin d'aide peut-être ?
-Ben... Tu m'as appelé, non ?
-Nope. Je dormais. Mais il est possible que j'aie eut une crise de somnambulisme, même si ça m'étonnerait un peu...

La jeune fille regarda autour d'elle et vit la vaisselle dans l'évier. Cela lui remémora les évènements de l'après-midi.

-Tu n'aurais pas croisé Lyu, par hasard ?
-Lyu ? Non. Pourquoi ?
-Oh, pour rien. Je voulais juste lui demander un truc...

Red avait pris un ton évasif mais en réalité, elle avait très envie de retrouver la soigneuse pour lui soutirer la vérité. Mais se ne serait pas très sympa pour Yama.
Celui-ci semblait d'ailleurs perdu dans la contemplation du mur derrière elle et rougissait un peu (beaucoup).
La cuisinière se retourna pour voir un manifique "Kiss me" dessus. Résistant à l'envie de se frapper la tête contre le mur, elle sortit de la pièce tel un ouragan en criant :

-Lyuuuuuu ! Tu vas me le payer !

Avant de revenir cinq minutes plus tard, un air effaré, pour se jeter sur la vaisselle qu'elle avait laissé en marmonnant:

-Elle va me tuer sinon.
-Euh... Red ?
-Oui ?
-Tu as besoin d'aide ?
-Hum... Nope, ça ira.

Elle lui sourit.

-Je n'en ai pas pour longtemps. On aura qu'à ... Aller sur le pont après ?

[Voilà. Zut les gens.]