Face à Face [Pv Redounette][rp terminé]

Ethan ouvrit la porte de son bureau a la volée, et fit entrer Red de force dans la pièce. Il était bien content pour une fois de pouvoir montrer qu’il avait un tant soit peu de force, lui qui se faisait systématiquement laminer par n’importe quel autre homme au corps à corps.

La traînant à moitié, il l’assit sur le fauteuil en cuir en face de son bureau, levant un index menaçant comme devant une enfant pas sage :

-Pour le moment tu es une invitée, mais si tu essaies de te sauver, je te menotte, ma mignonne, c’est clair ?

Espérant qu’elle ne bougerait pas, Ethan s’assit lui-même derrière son bureau. Il n’aimait pas trop discuter avec des gens attachés. Ça mettait tout de suite dans une position de force, au mieux, les gens s’écrasaient devant lui, au pire, ils se buttaient. Ceux qu’il attachaient étaient en général déjà mal barrés, parce qu’il le voyait comme l’acceptation d’une discussion qui allait dans quatre-vingt quinze pourcent de chance de finir mal pour ledit prisonnier.
Généralement avec une tête en moins.
D’ailleurs, le simple acte de fuir révélait bien des choses pour une personne. D’abord, qu’il n’était pas à l’aise, qu’il savait déjà qu’il avait des choses à se reprocher, une reconnaissance de sa faiblesse et de son impuissance.
Le jeune lieutenant décida plutôt de reprendre la discussion depuis le début, autrement dit dans l’optique où la petite aurait simplement débarqué dans son bureau pour prendre un café.

Hum, bon, généralement, les filles qui débarquaient dans son bureau aussi peu habillées, c’était pour prendre autre chose qu’un café, mais il n’en tint pas rigueur.
Et comme il voyait bien que cela la mettait mal à l’aise, il se leva et ouvrit un placard pour lui balancer une espèce de grande cape blanche, dans laquelle elle pouvait se draper entièrement. Il pouvait trouver des affaires à sa taille à la lingerie, mais il ne voulait pas la laisser seule, pour le moment.
De nouveau, il s’assit derrière son bureau, posa les coudes sur le chêne massif et croisa les doigts.

-Bien, commença-t-il. Étant donné que je suis poli, et qu’il était déjà un peu malvenu de vous tirer du couloir où vous aviez l’air tant à votre aise, je pense qu’il serait mieux pour moi de me présenter.

Il dégrafa de sa veste grise sa médaille et son badge qui ne lui servaient à rien et les déposa sur la table. Ainsi, Red pouvait voir qu’il était parfaitement sincère.

-Je me nomme Ethan Campbell, je suis lieutenant de la coalition Gaia. Je vous ai interpellée pour...

Il réfléchit à toute vitesse, parcourant de mémoire les nombreux alinéas des codes civil et pénal, qu’il connaissait pratiquement par coeur. Ethan avait quasiment appris à lire avec ces bouquins.

-Pour présence non justifiée dans un secteur non ouvert au public, non-port de l’uniforme réglementaire, et refus de suivre un supérieur.

À moins que cette fille ne soit le chancelier de Gaia super-bien maquillé en inspection surprise, il ne prenait pas trop de risque avec ce dernier point.

-Veuillez pardonner mon attitude très protocolaire, mais pourriez-vous me décliner votre nom, prénom, âge, matricule et secteur d’affectation, je vous prie ?

[J'ai craqué ! ^^']

Red se demandait sérieusement si elle avait offensé une quelconque entité supérieure pour mériter ça. Parce que se retrouver en sous-vêtements dans la base de Gaia, c'était déjà une épreuve en soit, mais se retrouver en sous-vêtement devant un gradé qui faisait des sous-entendus douteux, ça devenait effrayant. Surtout quand ledit gradé se retrouvait être plus fort physiquement qu'elle et qu'il pouvait à tout moment appeler des renforts.
C'est pour cette raison qu'elle le suivit dans son bureau sans (trop) faire d'histoires. En réalité, elle n'attendait qu'une seule chose : une occasion, si infime soit-elle de pouvoir s'échapper. Mais celle-ci semblait vouloir se faire attendre.
L'espoir diminua considérablement quand il la traina à l'intérieur. Comment le capitaine et Yama allaient-ils faire pour la retrouver si elle était enfermée là-dedans ? Malheureusement, elle ne pouvait rien faire.
Au moins, il avait eut la décence de lui donner quelque chose pour qu'elle puisse se couvrir un minimum, c'était déjà ça...
Elle l'écouta parler sans rien dire, se retenant avec beaucoup de mal de faire des commentaires acerbes comme elle en avait pris depuis longtemps l'habitude.
Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait dans le bureau d'un gradé pour se faire réprimender mais là, elle sentait qu'elle devait être bien plus prudente que les autres fois, parce que sa vie et celles de ses compagnons pouvaient en dépendre. Elle eut un petit sourire désabusé, ça allait être compliqué....
Pendant un instant, elle songea à se taire mais abandonna vite l'idée. Se taire, c'était reconnaître qu'ele était coupable. Mais elle ne pouvait pas donner son vrai nom sans se faire arêter directement et une fausse identité serait très vite démasquée. Elle allait devoir ruser.
Regadant son interlocuteur droit dans les yeux pour lui montrer su'elle ne le craignait pas, elle commença à improviser :

-Je m'appelle Red. J'ai 16 ans. Je ne me souviens plus de mon matricule.

Elle ne mentionna rien d'autre. Heureusement pour elle que sur ses papiers, "Red" n'existait pas. Mais Yamada Remorah, oui. Tout le monde l'avait toujours appelée Red, à part les militaires. Mais bon, ils n'étaient pas connus pour leur conciliance et leur présence d'esprit non plus...
Elle croisa les bras dans une posture de défiance.

*Si seulement les deux mècheux pouvaient se dépêcher un peu...*

Et allez... Le beau brun soupira. Encore une gamine qui allait lui courir sur le haricot.
Parce que l’étrange fille aux cheveux blancs n’avait pas l’air disposée à coopérer. Mais alors, pas du tout.
Sans trop y croire, il entra sur son ordinateur holographique «Red».

Après trois petites secondes à voir une spirale tourner sur elle-même pour indiquer la progression de la recherche, l’entité informatique lui afficha exactement ce qu’il craignait :
«45 000» résultats. Veuillez affiner votre recherche.
Logique, au fond. Des prénoms ou noms de famille contenant la syllabe Red, il y en avait pléthore, et d’ailleurs, «Red» tout court était un nom de famille encore très répandu.
Sans trop y croire, il demanda au logiciel de lui trier uniquement les filles, divisant le nombre d’entrées par deux, ce qui était toujours loin d’être assez, puis à Mars uniquement.
Avec encore au moins 500 clientes potentielles, il était encore loin du compte. D’autant que la petite pouvait aussi mentir.
Quand il ajouta «16 ans», le logiciel ne lui trouva cette fois-ci plus aucune entrée.

Pas démonté pour autant, Ethan avança devant lui une petite plaquette noire. La banque d’empreinte digitale rassemblait absolument tous les soldats de Gaia, et pour se trouver si profondément dans les locaux, la fille devait forcément y appartenir, même si au moment où il l’avait attrapée, quelque chose n’allait pas.
Il lui fit poser son index sur le scanner, attendit le résultat de la recherche, avant que de nouveau, son ordinateur lui avoue qu’il ne trouvait pas. Ethan lui fit recommencer l’opération avec l’index cette fois, toujours sans résultats.

Le lieutenant se leva, un peu interloqué. Il avait donc devant lui une petite de seize ans qui se promenait en sous vêtement dans le couloir des exécutions, sans figurer sur aucun des registres des soldats de Gaia.

-Je suis désolé, s’excusa-t-il, il semblerait que nous ayons un léger problème avec la base de donnée, ce sera plus long que prévu.

Il ouvrit un tiroir qui sortait du mur, et en tira une petite seringue.

-Ton poignet, je te prie.

Trouvant «Red» un peu lente à obéir, il serra son poing autour de son avant bras pour gonfler un peu ses veines, avant de lui planter la seringue au niveau du poignet. L’aiguille était fine, et faite pour ne pas faire trop mal, même s’il n’était pas médecin et s’y prenait comme un pied. Le réservoir se remplit très vite -il n’avait pas besoin de beaucoup- et avec un petit bruit de bouteille qu’on débouche, il décrocha l’échantillon et ôta l’aiguille.

-Tiens, dit-il en lui lançant un coton, du désinfectant et un pansement.

Il se rassit à son bureau, et composa un numéro. L’image en trois dimension d’une jeune fille apparut. Cette dernière portait une blouse blanche, et si l’image avait été en couleur, on aurait sans peine distingué ses yeux vairons, un gris et un bleu.
Si Ethan demeura impassible, il fut intérieurement contrarié de reconnaître Ethel, sa soeur.

-J’ai un échantillon pour le labo, annonça-t-il, très protocolaire. Urgent.
-Le délai d’attente est actuellement de quinze minutes et quarante secondes, lieutenant, mais je peux traiter votre demande en priorité si vous le souhaitez.
-Oui, faites. Je veux des chiffres dans trois minutes.
-Bien, lieutenant.

Brave petite. Ethan n’aimait pas que l’on sache qu’Ethel était sa soeur. Cela faisait un moyen de pression trop important avec lequel on pouvait jouer.
Ethel travaillait en tant qu’assistante au département génétique des laboratoires, ce qui lui permettait de garder un oeil sur elle.
Heureusement pour lui, la jeune fille était loin d’être débile. Autrement dit, au lieu de lui répondre «Mais oui mon grand frère d’amour, bien sûr que je vais m’occuper de toi avant, mais je veux mon câlin en rentrant !» comme elle en avait l’habitude, elle avait dû deviner qu’il valait mieux rester... discrète.

Ethan déposa l’échantillon dans une petite capsule, qu’il laissa tomber dans un tuyau collé à son bureau.
Il se rassit, et s’apprêta à poser une seconde question, quand son téléphone sonna. En décrochant, il fut surpris de voir apparaître en 3D, en taille réelle et en couleur, l’image du capitaine Jeel, rouge comme un poivron et en colère comme pas deux.
Ce n’était d’ailleurs pas un appel, mais bien un enregistrement destiné à tous les bureaux.

-Alerte à toutes les unités ! cria Jeel, alerte à toutes les unité ! Le capitaine Albator, commandant de l’Arcadia, je répète, le capitaine Albator est bien venu dans le piège que nous lui avons tendu !

Ethan se pencha en avant. Sa stratégie avait-elle fonctionné ? Cela serait un miracle pur et simple. Et d’ailleurs, il n’y avait qu’à voir la couleur de Jeel pour deviner... que non.

-Le capitaine a réussi à quitter la salle du piège, nous ignorons dans quelle partie de la base il se trouve, mais il est très probable qu’il soit toujours sa place ! Ordre à toutes les unités, fouillez les locaux et interceptez-le ! Il s’agit d’un sujet extrêmement dangereux, je répète, extrêmement dangereux, et vous...

Le lieutenant réfléchit environ une seconde et demi. Puis il releva légèrement sa manche, révélant une télécommande plate collée sur son poignet.
D’un doigt, il coupa la communication, et du second, verrouilla la porte. Le loquet claqua sèchement sur la pièce sans issue.

Ethan se leva et fit quelques pas, satisfait, avant de revenir vers Red. Il arborait le sourire malin de ceux qu’ils savent qu’il ont gagné.

-Ma jolie ? demanda-t-il d’une voix douce. On t’a déjà parlé des coïncidences ?

S’approchant brusquement d’elle, il saisit son menton entre son pouce et son index pour lui relever la tête et plonger son regard dans le sien.

-Je ne crois pas aux coïncidences.

Red avait été plutôt amusée de voir Campbell se débattre pour la retrouver dans les fichiers informatiques de Gaia, et ce malgré la peur d'être arrêtée. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu'elle avait le loisir d'ennuyer un homme de ce calibre, il fallait en profiter... La jeune hybride adorait quand elle ne faisait pas ce que l'on attendait d'elle, ça lui donnait un sentiment...de liberté.
Elle fut moins joyeuse quand le blond lui attrapa le poignet pour lui faire une prise de sang. Les mècheux avaient intérêt à arriver d'ici trois minutes, sinon, ça commencerait à sentir le roussi pour elle aussi...
Le message d'un autre gradé (capitaine, apparement) acheva de souffler tous ses espoirs et elle dut se retenir pour ne pas s'écrier "Mais quel abruti de mècheux ! Il ne sait pas être discret, ou quoi ?". Après tout, elle n'était pas censée le connaître ou du moins, être de son côté.
Et puis cette histoire de piège l'embêtait. Ainsi, le lieu de l'éxécution était piègé ? Avaient-ils réussi à s'en sortir indemnes ? Vu la teneur u message, la jeune fille ne se faisait pas trop de bile pour le capitaine, mais qu'en était-il de Yama ? Si jamais il lui était arrivé quelque chose, Red aurai des remors. Parce qu'il y avait des choses qu'elle devrait lui dire mais elle ne l'avait toujours pas fait.
Quand au capitaine Natacha, que lui était-il arrivé ? Est-ce qu'ils l'avaient déjà fusillée ? Ou alors attendait-elle la mort dans un chambre morbide, toute seule ?
Toutes ces questions sans réponses taraudaient la jeune pirate qui ne vit pas le Lieutenant Campbell se lever et se rapprocher d'elle. Enfin, si, mais au dernier moment. Le bruit de la serrure qui se fermait résonna un instant dans sa tête avec le peu d'espérances qui lui restaient.
Elle n'arrivait pas à croire que tout cela était vraiment en train de lui arriver.

*Si je crois aux coïncidences ? Bien sûr. Se serait bien si,par pure coïncidence mon pied rencontrait une certaine partie de ton anatomie pour que tu me lâche. Ou si le capitaine venait me chercher pour me sortir de cette...cage.*

Elle réussi à prendre un air nonchalant.

-Vous devriez pourtant. Après tout, c'est par pure coïncidence que je me retrouve dans votre bureau...

Il fallut trois bonnes secondes à Ethan pour comprendre que Red faisait de l’esprit, et plus encore qu’elle se moquait de lui. Il s’efforça de garder un calme olympien, et de ne rien montrer de son agacement, et réfléchit à une réponse potable.

-Oh, mais ce n’est en rien une coïncidence. Évènement survenant par hasard et simultanément à un autre, concours de circonstance, récita-t-il.

Il relâcha la jeune fille et recula d’un pas.

-Une coïncidence aurait donc été que nous nous trouvions tous les deux dans ce couloir par hasard. Ce qui était... oui, ce qui était le cas pour moi.

Il s’assit derrière son bureau, et un discret message sur son pc lui indiqua que le logiciel avait commencé à charger les résultats du labo.

-Or, toi...

Il parlait lentement, laissant toutes les pièces du puzzle se mettre en place dans son esprit. Il reconstituait chaque seconde des parcours possibles de la jeune fille avec une implacable logique, voulant être certain de ne pas dire d’erreur. Chacun de ses doutes, ou même lapsus, serait une perche qu’il lui tendrait vers un mensonge.

-Toi, tu es arrivée ce matin avec le capitaine Albator pour venir au secours de Natacha. Mais vous ignorez qu’elle est déjà morte, et quand vous entrez dans la salle, le piège se referme, trop lentement. Tu as le temps de fuir, et tu es séparée du capitaine et du reste des membres de l’équipage qui vous accompagnent. Paniquée, ne sachant pas trop quoi faire sans ses ordres, tu assommes un soldat de garde, et enfile ses vêtements, même s’ils sont bien trop grands pour toi, et tente de trouver la sortie.

Il releva ses étranges yeux vairons, et demanda :

-Je me trompe ?

Sans attendre de réponse, Ethan se leva pour marcher de nouveau.

-Évidemment que je me trompe. Tout n’as pas pu se passer comme ça. En revanche, si toi tu es dans ce bureau, ce n’est pas une coïncidence, c’est bien parce que tu es une membre de l’Arcadia, qui a accompagné son capitaine chéri dans une mission suicide.

Il se pencha sur elle pour lui murmurer à l’oreille :

-J’espère que tu sais que mon seul témoignage sera une preuve suffisante, et que la piraterie est punie de la peine capitale ?

Un signal sonore émanant de son ordinateur le fit reculer. Les résultats étaient chargés. Patientant tranquillement en pianotant avec ses doigts sur la table, le temps que le réseau surchargé lui ouvre le tableau récapitulatif, il demanda en souriant :

-Comment tu envisages la suite, ma chérie, dis-moi ?

[Édition à volonté, bien entendu, si tu trouves que c'est trop facile pour Ethan ^^]

Red avait retenu avec beaucoup de mal un ricanement moqueur.

-Ce que j'adore avec vous, les gradés, c'est que les gens sont coupables avant même que vous ayez des preuves tangibles.

Sa voix était acerbe mais elle était trop agacée pour en tenir compte.

-Enfin, quand vous avez des preuves tangibles. Votre jugement reste quand même sacrément arbitraire.

Bon, ce n'était pas vraiment le moment de règler ses comptes avec la hiérarchie de Gaia. Pas du tout le moment même. Il fallait gagner du temps.
Elle se pencha sur le bureau pour y poser ses coudes et croisa ses doigts de manière à pouvoir poser son menton dessus.

-Mais puisque vous voulez mon avis, je vous dirai que je préfèrerai me faire fusiller. Mais attention, par des bons tireurs, j'ai pas envie que ça dure trop longtemps, non plus cette histoire. Parce qu'entre nous, la pendaison, c'est un peu long. Et la décapitation, c'est vraiment barbare ! En plus, on est pas sûr de mourir en un seul coup, et après, il faut finir le boulot comme on peut, ce qui n'est pas très ragoutant. Yep, passer par les armes, c'est l'option la plus sûre...

Elle jetta un regard ironique au Lieutenant.

-Non mais sérieusement. Vous vous attendiez à ce que je vous dise ça ? Dans ce cas, vous êtes encore plus bizarre que ce que je pensais... De toutes façons, pour vous, je suis déjà morte si j'ai bien compris votre petite théorie. Donc pourquoi se préoccuper de mon avis ?

Ethan était ravi d’être tombé sur une bavarde. Ça le changeait tellement de ces espèces de tombes auxquelles il n’arrivait qu’à grand-peine à arracher trois pauvres formules de politesse. Quand n’étaient pas des insultes.
La plupart des prisonniers, surtout les pirates, étaient des fiers, et cela l’arrangeait pas mal. Là par exemple, en l’espace de cinq secondes, Red venait de lui livrer un paquet d’informations sur elle-même.
Son ironie sur l’affection envers les gradés révélait que ce n’était probablement pas la première fois qu’elle avait affaire à l’un des siens. En même temps, vu son effronterie, ce n’était pas dur à deviner...

Ensuite, elle parlait au passé d’un évènement pourtant en train de se produire, comme si la scène lui en rappelait une autre, plus ancienne. Comme un autre tribunal où elle aurait été jugée et condamnée sans preuves.

Dans l’esprit d’Ethan, cela fit Tilt. Pourquoi une fille qui appartenait forcément à la coalition ne figurait pas sur les registres ? Parce qu’il n’y avait que deux types de personnes qui en étaient rayés. Les condamnés à mort, et ceux à perpétuité.
La jeune fille étant toujours en vie, elle appartenait assez probablement à la seconde catégorie.

Et puis, il y avait l’histoire de la fusillade. La petite ne devait pas savoir que tout ce qu’elle disait était enregistré, parce qu’en proposant sa condamnation à mort avant même de réfuter ce dont Ethan l’accusait, elle s’inculpait toute seule en une preuve pour le coup très crédible.
Mais plus encore, elle avait demandée à être fusillée. Et bien fusillée. Le lieutenant rangea dans un coin l’idée qu’elle appartenait probablement à l’unité d’artillerie auparavant, et lança en riant :

-Oh, mais moi tu sais, je ne parlais pas de ton exécution !

Il se leva et se servit une tasse de café, en posant une seconde devant elle en se moquant bien de savoir si elle la boirait ou non.

-Il s’en passe des choses, avant une exécution, si tu savais. Ce serait tellement beau si c'était juste ça, une petite balle dans le coeur, et terminé. Mais tu sais, si tu quittes ce bureau avec un petit mot de ma part, tu vas d’abord goûter aux tables de torture, aux sérums de vérités, aux scalpels...

Il pencha la tête sur le côté.

-Nos bourreaux ne sont pas des tendres. Et nos cellules bien loin d’être confortables. En tant que membre de l’Arcadia, tu n’imagines même pas la valeur des informations que tu peux détenir. Tu n’auras pas une minute de répit, pas une seule nuit de sommeil jusqu’à ce que tu supplies tes bourreaux de t’achever.

Il abandonna son visage sadique pour reprendre une expression plus gentille.

-Maintenant, tu n’es pas forcément dans le mauvais bureau. À savoir que je peux te jeter au loup tout de suite, ou bien, selon ce que tu me révèles, et ce que tu feras pour moi, tu peux aussi sortir d’ici en vie...

Red eut une petite moue ennuyée.

-Quel joyeux programme, dites donc....

Elle soupira.

-Je ne voudrai pour rien au monde le gâcher, mais il y a juste un petit bémol dans votre plan.

Elle ne put s'empêcher d'avoir un petit sourire. Elle arrivait enfin dans un terrain familier.

-Je n'ai jamais dit que j'étais coupable , j'ai dit que de toutes façons pour vous je l'étais... Ce n'est quand même pas tout à fait la même chose, non ?

Cette phrase, elle l'avait sortit des dizaines, non, des centaines de fois quand elle était dans l'armée. Cette stratégie qu'elle appelait «La stratégie de la fausse innocente» avait beau être un peu dangeureuse, elle l'adorait. Son but était très simple : ne jamais rien que l'on était coupable sans dire que l'on était innocente.
Elle joua un petit moment avec sa tasse avant d'ajouter.

-Mais pour vous faire plaisir, je veux bien imaginer un cas hypothétique dans lequel je serai réellement un membre de l'Arcadia.

Sa voix avait pris un timbre un peu méprisant comme si elle n'avait jamais rien entendu de plus stupide.

-Même si c'était vrai.... Je ne pense pas que j'aurai pu vous être d'une grande aide. Non mais sérieusement, vous m'avez bien regardée cinq minutes ? Vous trouvez que j'ai l'air digne de confiance ?

Elle n'avait presque pas besoin de se forcer pour mentir. Même si pour le coup, il y avait du vrai dans son propos. Elle ne pensait réellement posséder des informations intéressantes pour la coalition.... Si on excluait la passion du Mècheux Suprême pour le chocolat et les chatons trop mignons.
La jeune hybride eut un petit rire en imaginant un gradé de Gaia tenir un chaton en joue en lançant au Mècheux : "Rendez-vous ou je le tue !”. Elle s'arrêta en se rappelant où elle était.

-Moi, je pense que si j'avais été un membre de l'Arcadia, je pense que l'on m'aurait collée dans un endroit où je n'aurait pas pu avoir accès à beaucoup d'informations et où je pourrai être un temps soit peu utile. Genre....

Elle resta pensive un instant. Parler de la cuisine aurait été risqué et surtout trop proche de la vérité. Elle n'avait pas vraiment d'idée.

-Je ne sais pas. En tant que chair à canon, ça à l'air cool comme job ça ! Vous en pensez quoi ?

Elle eut un petit sourire faussement innocent, comme si ils étaient en train d'avoir un débat sur un sujet quelconque.

Ethan ricana légèrement. La gamine ne le décevait. Surtout pour une fille aussi jeune qu’elle, la plupart auraient déjà fondu en larmes, et auraient imploré sa pitié en reniflant.
Alors, avec un grand sourire et un chocolat chaud, il leur aurait fait raconter tout ce qu’elles savaient avec un sourire réconfortant.
Et ensuite, une petite paire de menottes, et hop au billot
Ethan aimait bien les enfants -sans aucun sous entendu douteux, bien entendu. Gentils, faciles à faire parler, proies aisées, et pas trop encombrants questions cadavres à évacuer.

Bon, sauf que vu comme il était parti avec Red, c’était loin d’être gagné d’avance. Il allait falloir un peu plus s’il voulait la faire parler.
Tout en fouillant un peu les résultats du labo, il décida d’entrer dans son jeu, histoire de voir s’il pouvait démonter toutes ses belles paroles par ce côté-là.
Il savait bien qu’elle était coupable, ce n’était même pas un doute. Il n’y avait qu’à voir combien elle tentait de se construire un alibi de mensonges.
Au lieu de lui répondre, et de lui donner de quoi rebondir, Ethan savait qu’il pourrait s’appuyer, si procès il y avait, sur l’enregistrement de la conversation.
Il ouvrit un petit post-it sur son ordinateur, et nota :
«Parle de l’Arcadia alors qu’elle vient me dire de ne pas connaître. Cherche à se convaincre elle-même de son innocence pour avoir l’air plus convaincante.»

Ne pouvant résister, il s’étira légèrement, et lui sortit une de ses tirades préférées : le paradoxe.

-Si je vous suis, et c’est le cas, vous dites qu’on ne vous confiera rien car vous n’êtes pas digne de confiance. Or, si vous n’êtes réellement pas digne de confiance pour l’Arcadia, alors cela veut dire que vous m’auriez tout livré, puisque même si on ne vous dit rien, il est impossible que vous ignoriez tout, et c’est pour pour cela que l’on vous en aurait dit le moins possible. Or, vous me tenez tête, comme si vous protégiez quelque chose. Vous ne nierez pas que même si je ne remet pas en doute la véracité de vos propos, vous ne me dites pas tout, ce qui pourrait déjà être en soi une preuve de culpabilité, puisque les innocents n’ont rien à cacher. Et je peux du même coup vous prédire que dans les minutes à venir, vous allez me bâtir un alibi pour tenter de me prouver l’innocence susdite. Mais reprenons. Vous cachez quelque chose, ce qui est donc la preuve que vous savez, car sinon, vous ne cacheriez rien. Si vous savez quelque chose, c’est que vous êtes digne de confiance. Si vous êtes digne de confiance, c’est que quelqu’un vous a porté cette confiance. Or, la règle de base de la coalition est de ne faire confiance à personne, et par extension, cette personne n’appartenant pas à la coalition, elle est pirate, comme vous.

Et blang ! Aha, qui riait, maintenant ?

Savourant un silence qu’il savait probablement de courte durée, Ethan se pencha sur les analyses sanguines. Tiens, une demi-Rakkuen ? Ça par contre, ça ne courrait pas les rues...
En trois lignes, il avait repéré ce qu’il voulait. Un vertige maladif ? Toujours bon à savoir si elle devait être torturée.
Conscient d’avoir cette fois-ci tous les éléments en main, il demanda l’accès au fichier des récents condamnés à Inferi. La liste n’était pas si longue, et des hybrides, il n’y en avait qu’une seule.
Ethan se rangea dans un coin la fiche du vol, qu’il parcourut en vitesse. Red était donc sensée se trouver au bagne à vie. Or, elle était devant lui.
Il choisit de ne pas lui balancer sa découverte tout de suite, mais plutôt de s’en servir à posteriori, pour démonter un éventuel alibi ou l’enfoncer encore un peu plus.
Tenant à garder l'initiative de la conversation, il demanda :

-Mais en tant que représentant de la justice, chaque accusé a droit à une défense. Je t’en prie, je t’écoute. Que faisais-tu dans le couloir des condamnés à mort, dans un uniforme volé, ce matin, alors que l’Arcadia attaquait ledit couloir ?

[Je m'éclate. Sérieusement ]

Red soupira. Puisque ce Campbell avait l'air d'être un petit malin, il valait mieux parler.

-.... Ça ne sert à rien de mentir plus longtemps...

Elle ferma les yeux pour se concentrer sur la suite. Elle n'avait pas le droit à l'erreur.

-En effet, je suis bien coupable de quelque chose... Enfin, si on peut considérer ma tentative ratée comme un crime...

Son visage prit une expression agacée, comme si elle en voulait à elle-même.

-Je suis en effet entrée à l'intérieur de cette base par effraction dans un but bien précis, mais cela n'avait rien à voir avec mes prétendues "activités pirates"....
Je suis venue pour tuer quelqu'un.

La jeune hybride était plutôt contente de sa trouvaille, pour le coup. Elle avait compris que plus le temps passait, plus ses chances de survie diminuaient. Tout ce qu'elle espèrait à présent, c'était que les deux idiots réussiraient à sauver leurs vies, puisqu'il était trop tard pour Natacha.... Et pour elle aussi,vu ce qu'elle allait confesser.

-C'est intéressant de voir à quel point la vengeance ne résoud rien.... Ce mec, il a détruit ma vie. Enfin, techniquement, j'étais coupable, mais parce qu'il était gradé, la sentence à été plus grave que prévu. Heureusement pour moi, j'ai réussi à m'échapper.
Mais je voulais vraiment me venger. Je savais qu'un bon nombre de gradés seraient présents, aujourd'hui. Je me suis dit que lui aussi devait être là. Alors j'ai mis au point un plan pour m'occuper de son cas.

Elle eut un sourire cynique.

-J'ai toujours aimé vivre dangereusement, je pense. J'ai utilisé le réseau des égoûts pour venir ici. Puis je l'ai cherché dans le bâtiment, tout en essayant de ne pas me faire remarquer. J'ai fini par trouver son bureau. Mais il n'était pas là. Alors je me suis...un peu énervée, dirons-nous. Ce qui a attiré l'attention sur moi. Je me suis enfuie, et paniquée comme je l'étais, je n'ai pas réfléchis et j'ai assomé mes poursuivants. J'ai pris l'uniforme de l'un d'eux. Puis, j'ai cherché la sortie. Mais il a fallut que je tombe sur vous...

Red s'arrêta. Elle savait que si ils fouillaient la base, ils trouveraient non seulement les soldats, mais aussi ses vêtements. Et ses armes. Pour la fenêtre, rien ne prouvait qu'il s'agissait d'elle.

-Cela vous suffiera, ou il vous faut des détails ?

[Chercher des excuses abracadabrantes, c'est génial. Et le gradé dont elle parle, c'est Ross. Normalement, il ne vient pas dans la base...]

Ethan prit le visage concentré des avocats qui font bien leur boulot. Histoire de montrer qu’il prenait sa défense avec sérieux -en même temps, il devait être sûre de ne pas en rater une miette pour pouvoir la démonter bien comme il faut incessamment sous peu.
Sans aucun double sens louche, bien sûr.
Cela l’amusait presque de voir comment cette pauvre gamine s’enlisait elle-même dans des explications foireuses et des histoires insensées.

Il se demanda si elle faisait exprès, ou si elle n’avait réellement pas compris qui elle était.

-Je résume donc, reprit-il en prenant des notes manuscrites devant elle. Après avoir été incriminée sur Inferi, tu t’échappes du bagne, trouve un vaisseau, et reviens ici dans le seul but de tuer un gradé que tu avais déjà frappé.

Il bailla un peu.

-Je vais faire mine de ne pas soulever le fait que cette simple tentative est déjà en crime en soi. Passons.

Il faisait défiler en même temps les pièces maitresses de son dossier bien rempli, même sacrément rempli pour son si jeune âge.


-J’espère que tu sais que ton alibi doit être indémontable ? On va commencer par le début.

Il la fixa droit dans les yeux.

-On ne s’échappe pas d’inféri. Jamais, jamais en quarante ans, et pourtant, on y a enfermé des brutes rodées aux arts du combat, et des criminelles qui avaient déjà vendu huit fois leur âme au diable.

Il ne précisa pas que le diable, c’était lui, et que dans ladite catégorie, l’occupante de la cellule 04 se nommait en réalité Maria Hemmingard, et clamait son innocence à juste titre depuis deux ans.
Cela n’avait pas été une mince affaire de faire évader Lily-Rose d’inféri et de la remplacer... Sans bien sûr que personne ne fasse le lien entre Lilith Hell, la criminelle inculpée, et Lily-Rose Campbell, la sublime perle de la coalition.
Il y avait donc bien une évadée dans l’histoire d’Inféri, mais Ethan le tut. pas le moment de donner des arguments à une adversaire déjà corsée...

-J’en conclus donc que tu n’es jamais allé sur cette planète malgré ta condamnation, mais comme tu m’accuses de jugement arbitraire, je fais te faire l’honneur d’une vérification en direct.

Ethan décrocha son téléphone, et composa le numéro du responsable de la prison. Avec les décalages horaires en cours, son appel tomberait probablement pendant la nuit, mais il devait y avoir quelqu’un pour lui répondre.
Une secrétaire à la voix charmante pris son appel.

-Intendance d’inféri, j’écoute ?
-Ici le lieutenant Campbell. J’aurais besoin d’un renseignement.
-Je suis à votre disposition, lieutenant.
-Je suppose que la détenue, euh... (il chercha un moment dans ses papiers son nom officiel) Yamada Remorah est toujours dans sa cellule ?
-Non mon lieutenant, répondit la jeune femme de l’autre côté du fil après un temps de latence. Le croiseur qui l’acheminait a subi une attaque pirate, elle n’est jamais arrivée jusque ici.
-Merci beaucoup.

Ethan raccrocha.

-Tiens tiens... releva-t-il. Alors comme ça, on ment pendant sa déposition ? Oh, mais c’est pas grave, ça doit être que tu es stressée, pas vrai ? T’inquiète pas, j’ai de quoi prouver ton alibi.

Il composa un nouveau numéro.

-Sergent Ross ?
-Oui Lieutenant Campbell ? Que puis-je faire pour vous ?
-Êtes-vous dans votre bureau, sergent ?
-Oui mon lieutenant.
-L’avez-vous quitté ce matin ?
-À deux reprises, mon lieutenant. J’avais un rendez-vous avec un supérieur, et lorsque l’alarme a été donnée, comme tout le monde, lieutenant.
-Votre bureau porte-t-il des traces d’effraction ?
-Non mon lieutenant, pourquoi, il devrait ? demanda Ross d’une voix étonnée.

Ethan raccrocha, souriant comme jamais. Il demanda les vidéos de surveillance du couloir et de la façade, les deux seules issues possibles. À aucun moment on y voyait passer Red.
Croisant les doigt avec gourmandise, il demanda :

-Et donc ? ce sont les sous-vêtements qui te donnent un pouvoir d’invisibilité et celui de passer à travers les murs, ou bien ?

Red bouillait intérieurement. Elle n'avait envie que d'une chose, c'était de se jeter sur Campbell, l'assomer contre son bureau et se barrer de là. Mais la situation n'était pas si simple que ça...
Elle fit une petite moue.

-Peut-être. Ça expliquerai un tas de trucs en tous cas...

Elle ne voulait pas s'avouer vaincue si facilement. Ce gradé l'agaçait et en même temps, elle était contente de se mesurer avec un tel adversaire. Elle avait toujours eu un petit faible pour le risque.

-Mais je ne pense pas que faire une vérification soit nécessaire...

Elle allongea presque tout le haut de son corps sur le bureau. Heureusement pour elle, le drap couvrait tout. Elle ferma les yeux, comme si elle dormait. Mais en réalité, elle se contenait. Lutter contre elle-même lui demandait un sacré boulot, mine de rien...
Elle se releva soudainement, manquant de renverser la tasse de café à côté d'elle.

-Pourquoi vous faîtes ça ?

Voyant qu'elle devait clarifier un peu son propos, elle ajouta :

-Je veux dire, même sans votre histoire de pirate, vous avez largement de quoi m'inculper et me faire retourner à la case prison en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Inferi", non ?
Alors pourquoi je suis encore là a discuter avec vous ?

Elle se cala bien dans son siège pour observer ce qui allait se passer. Et si c'était bien ce qu'elle pensait, elle allait bientôt devoir faire un choix et ce choix serait très douloureux...

Ethan jubilait littéralement.
Par ses considérations et ses actions, par sa simple attitude, venait de lui indiquer qu’elle baissais une partie de sa garde -et de sa fierté.
Elle lui signalait qu’elle était prête à lui accorder la légère supériorité nécessaire à des négociations.

Ethan n’allait pas se gêner pour mettre les pieds dans le plat.

Quand elle s’étala sur la table, il nota avec un sourire en coin que dans ce simple geste, on devinait la lassitude, mais également un signe d’abaissement et de soumission.
Avec délectation, il fit glisser son index depuis le front de la jeune fille jusqu’à son menton, en insistant légèrement sur ses lèvres.
Red se releva, avec l’impression probable d’avoir fait part de sa fatigue et de son agacement. Et probablement aussi de son manque total de respect des règles.

Ethan fit claquer sa langue. Avec ce qu’il avait en vue pour elle, il allait falloir qu’il lui inculque certaines règles évidentes de... discipline.

-Je vois que tu te poses les bonnes question. Je préfère cela.

Il se recala dans son fauteuil, et posa un regard intense sur la jeune fille devant lui. Pour lui aussi, c’était le temps des choix.
Il tenait Red comme il aurait tenu la corde d’un pendu. Il savait qu’avec quelques phrases et quelques minutes, il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait, dans tous les sens du terme.
Il fallait donc qu’il réfléchisse en trois secondes chrono aux plans qu’il avait pour elle.

-J’aurais pu te livrer à la seconde où je t’ai capturée, avança-t-il. Ta mise à mort et ton jugements, aux mains du tribunal, n’auraient été qu’une question de jours.

Il croisa les doigts.

-Bienvenue au coeur de la pire tare de Gaia -et de la mienne. Les intérêt privés avant les intérêts publics. Toujours.

Un sourire en coin vint éclairer son visage.

-Ces renseignements que je suis sûre que tu possèdes, je les veux pour moi. Alors le marché que je te propose est le suivant. Je ne te demande... pas grand chose.

Ses yeux vairons étaient rivés dans ceux de Red, comme s’il cherchait à lire son esprit.

-Ne me prend pas pour un idiot. Tu me mentiras si je te demande de parler. Alors je te demande simplement de rester avec moi... une semaine, disons. Je te trouverais des choses à faire -du café par exemple.

Il soupira, pensif.

-J’ai bon espoir qu’en une semaine, nous puissions nous rapprocher suffisamment pour que je puisse te faire confiance, et réciproquement. Nous deviendrons... bon collaborateurs.

Ethan mesurait ses mots avec une grande prudence.

-Dans une semaine jour pour jour, je te garantis la liberté. Je t’accompagnerais où tu le souhaites, et l’Arcadia viendra te chercher. Seulement, tu respecteras alors ta part du marché : je veux que tu me contactes chaque jour depuis l’Arcadia, pour me donner la position actuelle, ainsi que tous les renseignement en ta possession. Est-ce que nous avons un marché ?

Red avait mis un peu de temps pour traiter l'ampleur de ce que lui demandait Campbell. Elle fut sortie de ses pensées par une douleur à la cuisse. Un rapide coup d'oeil lui apprit qu'elle avait enfoncé ses ongles dans sa peau. Il fallait vraiment qu'elle se calme.
La proposition de Campbell la révoltait au plus haut point. Mais elle doutait que sa fierté lui serait d'une grande utilité sur ce coup-là. Il ne fallait pas se méprendre, la jeune hybride n'avait pas peur de mourir pour une cause qui lui tenait à coeur, et si elle devait un jour se sacrifier pour l'Arcadia, elle le ferait sans hésiter. Mais là, son sacrifice ne servirait pas à grand-chose. Et elle ne voulait pas mourir pour rien.
D'un autre côté, la proposition de Campbell pourait être tournée à l'avantage de l'Arcadia, si elle arrivait à être un temps soit peu maligne. Le tout était d'arriver à trouver comment elle pouvait exploiter ce plan....

-Cette proposition me semble....possible.

Elle n'avait pas dit "honnête" car ce n'était certainement pas le sentiment que lui inspirait Ethan Campbell. Si il y avait bien une personne dans ce monde à qui elle ne ferait jamais confiance, c'est bien lui. Même le capitaine Albator lui paraissait plus fiable... C'était dire....
La jeune hybride sentait que cet homme n'était vraiment pas clair et su'il allait attirer des ennuis non seulement à elle, mais ausdi à l'équipage de l'Arcadia. Et ça, elle ne pouvait pas le laisser passer.

*Toi, si tu me laisses une seule occasion de le faire, je te butes. Même si cela doit être la dernière chose que je fasse dans cette vie...*

La jeune fille se cala un peu plus dans son fauteuil pour s'empêcher de sauter à la gorge de son interlocuteur. Les pulsions Rakkuens étaient parfois très violentes et incontrôlables et si elle ne se retenait pas, le gradé allait prendre cher.
Se ne serait pas pour lui déplaire mais elle avait besoin de lui pour sortir de la base vivante...

Ethan sauta sur l’occasion comme un requin sur sa proie. Elle avait dit oui, et il n’allait pas lui donner l’occasion de ravaler ses mots.

-Impeccable, commenta-t-il.

Il sourit gentiment à Red, et enfonça un bouton noir sur la tranche du bureau. Avec un claquement sec, les lamelles métalliques du fauteuil de son invitée, qui passaient pour de simple ornements, claquèrent sèchement, se refermant sur ses chevilles et ses poignets, et l’immobilisant.
Ethan était resté immobile, content qu’elle ait eut la mauvaise idée de se caler dans le fauteuil de de poser ses mains sur les accoudoirs.
Il ouvrit un tiroir et attrapa deux seringues, puis se leva.

-Je ne suis pas idiot, tu sais.

Il secoua la tête, désolé que la jeune fille l’ait sans doute pensé.

-Je connais bien les pirates, et s’ils ont bien un défaut, tu sais, c’est la vanité. Tu ne laisseras jamais tomber cette saleté de fierté, tout comme tu ne changera jamais d’avis au sujet de tes convictions.

Il fixa une ampoule sur la première seringue, et avec douceur, serra son avant bras jusqu’à en gonfler les veines. Il planta l’aiguille dans sa peau en essayant de ne pas lui faire mal -après tout, il n’était pas là pour ça, et vida l’intégralité du produit dans sa peau.

-Ça ma chérie, c’est pour être sûre que notre collaboration s’étende au-delà d’une simple semaine de cohabitation...

Il ne lui dit pas de ce dont il s’agissait, préférant laisser planer le doute, et ainsi son imagination.
Un produit aussi neutre pouvait tout aussi bien être un sédatif qu’un produit lui permettant de la contrôler à distance.

En réalité, le produit contenait de minuscules capsules, qui vu leur nombre permettaient de situer leur détentrice avec une grande précision, d’après les données retransmises par les satellites électro-magnétiques postés sur toutes les planètes de la coalition.
Ces ondes avaient le grand avantage de ne pas avoir besoin de milieu matériel pour se propager, et accessoirement de ne pas pouvoir être brouillées.
Le seul moyen de s’en débarrasser était de pomper la totalité du sang contaminé et de la remplacer par du neuf. Mais ça, il fallait être médecin chez Gaia pour le savoir.

Il ouvrit ensuite une petite boîte noire, et retira l’élastique qui maintenait attachée une petite bille noire.
Entre ses doigts fins, la bille en question déplia huit pattes robotisées, et commença à s’agiter. La circonférence de son corps était inférieure à cinq millimètres, mais dépliée, elle prenait une allure plutôt inquiétante.

-Il y a ça, aussi. Mais tu comprendra que c’est trop gros pour une seringue...

Il inclina la tête avec un petit sourire amusé, contemplant la jeune fille attachée.

-Cela s’avale, lui indiqua-t-il. Ouvre la bouche, je te prie, ça m’ennuierait de devoir te la faire avaler de force, et surtout, ce ne serait agréable pour personne...

Red s'était faite avoir comme une débutante. Bon, il est vrai qu'elle n'était pas la plus expérimentée dans le domaine des négociations (sa seule technique était de tout nier en bloc avec la mauvaise foi la plus totale), mais quand même. Elle n'aimait pas se faire avoir.
Et si la seringue passait (après tout, ce n'était que la deuxième fois qu'il la piquait n'importe comment, ce n'était pas si grave....), l'hybride avait BEAUCOUP plus de mal avec le reste.
Son premier reflexe fut de fermer la bouche et de serrer très fort ses machoires. Elle avait pas mal de force dans celles-ci, suffisamment pour donner un minimum de fil à retordre à son interlocuteur. D'autant plus que Red était quelqu'un de particulièrement buté. Si elle ne voulait pas faire quelque chose, c'était difficile de l'y obliger...
Elle savait que sa réaction était idiote et que son entêtement ne la sortirai pas de là mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. C'était plus fort qu'elle. La technologie en général ne la dérangeait pas, mais il ne fallait pas compter sur elle pour avaler ce truc. C'était absolument hors de question. Surtout qu'elle ne savait pas à quoi ça servait.
Quand Campbell se rapprocha avec l'objet incriminé, elle ne put s'empêcher de grogner. Elle n'aimait pas avoir cette réaction si peu...civilisée, pourtant. Les rares fois où elle l'avait fait, elle préfèrait ne pas s'en souvenir car ça avait vite tourné en pugilat.
Un crissement lui apprit qu'elle était en train d'essayer d'enfoncer ses ongles dans les accoudoirs. Son côté...moins diplomate commençait à prendre singulièrement le dessus. Et le pure dans tout ça, c'est qu'elle s'en moquait.

*Si seulement je n'étais pas attachée.... Je pourrai lui règler son compte à ce prétencieux ! Il comprendrai alors qu'il faut me laisser tranquille*

Campbell ne semblait pas affecté par ses avertissements.

*Tant pis pour lui.... Et pour moi*

Le simple visage crispé de la jeune fille aurait suffi à faire éclater de rire Ethan. Il s’imaginait quoi, qu’il allait sortir un appareil de torture en acier rouillé et lui écarter les mâchoires de force ?

Il chatouilla la gorge de Red comme il l’aurait fait à un chiot qui grogne, souriant. Cette petite était tellement choupinette a essayer de lui résister...
L’araignée gigotait toujours entre ses doigts. En réalité, elle portait un micro, qui allait lui permettre d’écouter tout ce qui se disait autour de Red dans un rayon de deux mètres. Il se garda bien de l’en informer.
L’avantage de cette araignée était sa mobilité : une fois en place, elle quittait le système digestif, et se promenait à sa guise dans tous le corps. Aisément détectable avec une sonde de surface, le seul moyen de l’enlever était quasiment de pouvoir charcuter entièrement son possesseur : elle était trop rapide pour qu’une simple incision suffise, et en cas de contact avec l’air ou la lumière, elle détalait en vitesse.

Le jeune stratège préféra jouer sur l’effet de surprise. Il leva la bestiole à la hauteur de son visage, et la posa sur ses lèvres.
Aussitôt, connaissant le mode opératoire du programme, il plaqua contre son palais le robot, pour l’empêcher de gagner le fond de sa langue, où un réflexe le ferait avaler.
Sentir le mécanisme agiter ses huit pattes n’avait rien d’agréable, et ça chatouillait même atrocement.
Profitant de la concentration de Red sur elle-même, il glissa un index sous son menton et lui bascula la tête en arrière. Puis il se pencha en avant, et plaqua ses lèvres sur les siennes.
Profitant de l’état d’hébétude de Red, qui de toute évidence ne s’attendait pas du tout à ça, il lui mordit la lèvre jusqu’au sang, et saisit la seconde ou elle s’abandonna à la douleur pour mêler sa langue à la sienne.
En une seconde, il délogea l’arachnide de son palais et l’envoya courir en face. Par plaisir et par jeu, il prolongea le baiser quelque instants encore, jusqu’à ce qu’il soit sûr que Red l’ait avalé. Puis il recula, un sourire malicieux sur les lèvres.

-Hum, pas mal... Tu manques un peu d’expérience, mais pas mal, assurément.

Il se doutait bien que si il la libérait maintenant, elle allait lui sauter à la gorge, et choisit plutôt de reculer à l’abris derrière son bureau, avant de libérer uniquement ses mains.
Dans le pire des cas, elle allait bondit en avant et s’étaler au sol toute seule.

L'acte totalement incongru de Campbell eut pour seul point positif de la destabiliser suffisement pour qu'elle reprenne ses esprits. Enfin, elle avait toujours envie de le réduire en bouillie, mais elle arrivait à se contrôler.
Elle passa sa langue sur ses lèvres pour y enlever le sang dessus et fit une grimace de dégoût.

-Si c'est vraiment ce que vous pensez, il ne vous faut vraiment pas grand-chose...

Elle le fusilla du regard.

-Parce que l'arrière goût de métal, je m'en serai bien passée...

Toute cette histoire commençait à sérieusement l'agacer. Ça faisait la deuxième fois en quelques jours qu'elle se faisait embrasser sans qu'on lui demande son avis, et elle en avait marre. Bon, d'accord, avec Yama, elle l'avait un peu (beaucoup) cherché. Mais avec cet espèce de...*censuré*, elle ne se rappelait pas lui avoir fait une remarque indiquant qu'elle était d'accord. L'espace vital, il ne connaissait pas ?

*Dès que je peux, je me bois une bouteille entière de bain de bouche pour désinfecter tout ça ,ou non, mieux ! Une bouteille de vodka. Comme ça, je serai sûre du résultat...*

Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit pas tout de suite compte que ses mains étaient libres. Dès qu'elle s'en aperçut, elle les enleva du fauteuil qu'elle regarda d'un drôle d'air.

*Il ne s'en sert pas pour son travail ? Dans ce cas, c'est vraiment bizarre d'avoir mis cette option dessus. J'aimerai bien voir la tête de son constructeur....*

Elle fit bouger ses doigts pour voir si tout était en ordre. Maintenant, elle allait reprendre du poil de la bête et ne plus se laisser insulter de la sorte.

Ethan passa sur ses lèvres une langue gourmande. Pas mauvaise, cette gamine. Sa stupeur évidente et sa sauvagerie donnaient à ses baisers un savoureux parfum de victoire. On lisait sur son visage la moue d’un dégout mal dissimulé, celle si caractéristique des petites filles qui se font passer pour des grandes derrière de faux masques de détermination.

En la considérant de nouveau, il manqua hausser les épaules. Trop jeune, de toute façon. Effrayer les petites filles l’amusait cinq minutes, mais c’était vite lassant.
Et puis, il avait bien assez de filles à mettre dans son lit pour faire mine de s’intéresser à une gamine.
Comme un requin devant une proie, il ne faisait que se délecter de ses mimiques horrifiées quand il prenait un ton séducteur.

Il but une gorgée de café -qui commençait d’ailleurs à tiédir, une honte- pour passer le gout amer que lui avait laissé le sang sur sa langue, qui revint à ses dossiers.
Il avait donc une semaine pour disposer de Red -sans mauvais jeu de mot. Et s’il savait bien que la convaincre de quoi que ce soit était peine perdue, il y avait peut-être tout de même matière à creuser un peu.
Il enclencha un bouton, et un pan du mur pivota, révélant une armoire en ébène laqué. Ethan marcha jusqu’au meuble, dont il ouvrit la porte, parcourant les étagères. Il opta pour un uniforme, un des plus petits qu’il avait, un simple pantalon de toile, chemisier et veste en cuir renforcé comme en portaient habituellement les pilotes.
La couleur, choisie exprès, était un mauve un peu flashy, histoire que son invitée n’essaie pas de profiter de l’uniforme pour se fondre dans la masse au milieu des vrais soldats.

Négligemment, il lui balança ses affaires sur les genoux, et libéra ses chevilles, retournant s’asseoir derrière son bureau. Il mit de l’ordre sur son ordinateur en hologramme, classant les fichiers ouverts qui lui étaient inutiles.

-Tu peux t’habiller, lui indiqua-t-il, un sourire un coin.

Il inclina les têtes, ses yeux vairons bien ouverts pour indiquer à la jeune fille qu’il allait profiter du spectacle. Déjà, il se trouvait gentil ! Si vraiment il avait voulu être sadique, il lui aurait demandé de changer ses sous-vêtements, aussi.

Il lança négligemment :

-Tu veux manger quelque chose, sinon ? C’est toujours plus sympa, pour... bavarder.

D’un doigt, il fit apparaître au mur le menu du jour du mess, lui faisant signe de commander ce qu’elle voulait. Il y aurait bien un pigeon pour lui apporter dans son bureau.

-Alors, lança-t-il sur le ton de la conversation. Il paraît que l’Arcadia a dû abandonner toute la matière noire pour survivre au faisceau de Jupiter, comment se porte le vaisseau ? Et le capitaine, alors ?

Se doûtant bien qu’elle n’allait pas balancer comme ça des scoops top secret sur le pirate, il tenta d’adoucir le terrain.

-Vois-tu, malgré tout ce qu’on te raconte, nous nous préoccupons du sort de la terre. Comme tu sais, elle est ensevelie sous une épaisse couche de matière noire, maintenant, et cherchons par tous les moyens à la retirer...

Red s'était levée avec bonheur et soulagement. Bon, elle n'était pas bête, elle se doutait que son calvaire était loin d'être terminé, mais cela ne l'empêcherait pas de profiter des quelques moments de "liberté" qui se présenteraient.
Elle inspecta les vêtements que Campbell lui avait prêté. Bien entendu, il s'agissait d'un uniforme. Mauve, qui plus est. Déjà qu'elle détestait son uniforme quand elle était soldat (il était marron) car elle avait l'impression d'étouffer dedans, alors en mauve.... C’était moche et vraiment trop voyant. Cet imbécile pensait un peu trop à tout.

Par ailleurs, celui-ci lui montra un truc sur son écran en lui parlant apparement de manger (ce qui permit à l'esprit logique de la jeune femme que le truc en question devait être un menu) mais elle n'y prêta pas attention. De toutes façons, elle n'avait pas très envie de manger. Surtout en compagnie de cet homme. Même avoir un dîner aux chandelles avec Ross paraissait idyllique, à côté. Et puis ce n'était pas la première fois qu'elle loupait un repas...voire deux ou plus. (Mais elle ne tiendrait pas une semaine).

Elle commença à s'habiller sous le regard pas vraiment subtil (pour le coup) du gradé mais elle ne s'en formalisa pas. Elle ne voulait pas lui faire ce plaisir. Tout en enfilant une jambe de pantalon, elle se figea. Cette cicatrice sur le genou gauche, d'où venait-elle ? La jeune hybride était sûre que ce n'était pas dût à la fois où elle était tombée sur une plaque en verre (cicatrices sur la paume des mains). Ni celle où elle avait commencé à lancer des couteaux (bras gauche et oreille droite). Elle abandonna sa recherche au bout de quelques minutes. De toutes façons, elle en avait tellement, des cicatrices....

*C'est sûrement une blessure de free fight...*

Elle avait enfilé son pantalon quand Campbell la sortit de ses pensées.

-Alors, lança-t-il sur le ton de la conversation. Il paraît que l’Arcadia a dû abandonner toute la matière noire pour survivre au faisceau de Jupiter, comment se porte le vaisseau ? Et le capitaine, alors ?

Elle le regarda droit dans les yeux. Il ne pouvait pas faire plus direct encore ? Il se foutait de sa gueule ou quoi ?

-Vois-tu, malgré tout ce qu’on te raconte, nous nous préoccupons du sort de la terre. Comme tu sais, elle est ensevelie sous une épaisse couche de matière noire, maintenant, et cherchons par tous les moyens à la retirer...

Elle baissa la tête, comme pour réflèchir. Puis s'avanca vers le bureau de sorte qu'il était le seul obstacle entre elle et le gradé (n'oublions pas qu'elle n'a pas enfilé de haut).

-Je comprends. C'est normal que les humains se préoccupent de leur planète d'origine. Je ferait sûrement la même chose, à votre place.

Elle eut un sourire très faux.

-Et puis, tout le monde sait qu'en réalité, la coalition Gaia ne veut que le bien de tous, humains ou non. Et qu'elle pardonne à tous ceux qui l'ont défiée, car elle est une société juste et égalitaire. C'est un monde merveilleux, n'est-ce pas ?

Elle sentit soudain un léger courant d'air. Elle se retourna pour finir de s'habiller en marmonnant.

-Wonderful, my a*s !

Ethan haussa les épaules pour ne pas avoir à montrer que l’entêtement de Red l’agaçait profondément.
Elle ignora ouvertement le menu sur le mur, alors que ce dernier indiquait tout de même du riz, alors qu’on savait bien que ça coûtait une fortune. Il fallait l’importer depuis l’autre bout de la galaxie, et avec la multiplication des activités pirates, c’était de plus en plus dangereux.

Ethan ne mentait pas. Retourner sur Terre était urgent.

-Pas faim ? Tu vas rester là une semaine, je te rappelle. Me faire une crise d’anorexie n’est pas la meilleure des idées.

Pianotant sur un coin de sa table tactile, il se commanda une assiette complète, avec salade de melon en entrée, fromage, île flottante en dessert, et vin.
Wow, fallait pas exagérer non plus, avec les milliards qu’il avait en poche, il pouvait bien se payer un repas comme ça !

Red s’avança soudain vers lui, et si elle avait enfilé son pantalon, le haut de son corps n’était toujours caché que par le strict minimum.
Elle se pencha sur son bureau, et pour une raison étrange, le gradé se sentit aussitôt dans son élément. Des fille qui jouaient les rebelles en tentant une approche de séductrice, il en avait vu défiler des dizaines.
Et l’âge de Red n’y changeait rien du tout.

Le jeune homme avait toujours été partisan de cesser de compter l’âge en année. Chacun grandissait, par le corps certes, mais surtout pas l’esprit, et l’âge ne se remarquait pas sur le passeport, mais plutôt sur les attitudes et les comportements de chacun.
À cet instant, Red aurait pu avoir douze ans comme soixante dix, son attitude la plaçait dans une catégorie bien précise.

S’il la cherchait, aussi... Ethan rentra aussitôt dans son jeu, et contourna le bureau pour se mettre face à elle. D’un doigt léger, il effleura son dos nu, remontant le long de ses côtes, puis de son cou, se perdant sur sa joue.
D’une voix basse, il lui glissa :

-Oh mais bien sûr, "pirate", suis-je bête... Tu ne combat pas pour la Terre, mais pour une prétendue... "liberté" ?

Il se pencha un peu et lui murmura à l’oreille.

-Il y a toujours des poètes pour rêver de belles idées, tu sais...

Il recula, et Red, en grommelant quelque chose d’inaudible qui était assez probablement une insulte, se rhabilla. Ethan la laissa filer, reprenant, un peu plus fort :

-Crois-tu donc que tout serait meilleur si Gaia tombait ?

En l’absence de réponse, il fit un pas dans sa direction.

-Des milliards d’humains désespérés se rueraient sur une Terre à l’agonie, et ruineraient ses derniers espoirs de résurrection.

Il secoua la tête.

-Crois-tu que l’univers vivrait mieux sans domination ? Trop de planètes et trop de peuples cohabitent, sans Gaia et son emprise, les galaxies seraient à feu et à sang, et les civilisations se perdraient dans des guerres inutiles qui ne feraient que réduire le monde en cendre.

Ethan inclina la tête sur le côté, comme pour mieux jauger celle qui, à cet instant, n’était rien d’autre que sa proie. Se jugeant assez près, il étendit ses bras autour de ses hanches, et la rapprocha de lui. Sa main gauche fila sous son chemisier, et il glissa, dans son dos, sous l’élastique de son soutien-gorge, un doigt inquisiteur.

-Et vous êtes là. Une poignées de pirate, à vous croire légitime parce que vous brandissez des valeurs sur vos bannières. Mais vous tuez comme les autres, volez comme les autres, et même si vous faisiez tomber Gaia, que feriez-vous ? L’univers sans gouvernement ne survivrait pas un jour.

Son pouce et son index faisaient dangereusement jouer l’attache du vêtement de la jeune fille, et il appréciait cette sensation de pouvoir qu’il avait sur elle.
Il jouait, évidemment qu’il jouait. Red n’avait rien d’intéressant. Mais il comprenait petit à petit que le seul moyen qu’il avait d’espérer faire parler Red, c’était justement d’entrer dans son jeu.

-Et bien... reprit-il d’une voix plus claire, parfaitement conscient du double sens que pouvait susciter sa question. Que dirais-tu que je te montre ta chambre pour cette semaine ?

-Et bien... Que dirais-tu que je te montre ta chambre pour cette semaine ?

Le cerveau de Red mit du temps à capter l'information. Il mit aussi un certain temps pour prendre une décision quand à la marche à suivre. Elle avait plusieurs options :

1: Frapper Campbell
2: Insulter Campbell
3: Retraite stratégique

Bon, ces options n'étaient ni très intelligentes, ni très utiles. Mais c'était tout ce qu'elle avait en stock. Quoique, elle avait aussi une autre option, plus compliquée mais plus sûre : la solution diplomatique. Pas vraiment le fort de la jeune hybride, mais c'était jouable.
Avec une concentration et un self-control dignes d'un moine bouddiste, elle prit un air à peu près neutre.

-Ce que je dirais ? Je dirais que vous vous êtes trompé sur moi et que mon soutient-gorge n'a pas besoin de votre main pour tenir...

D'un geste leste, elle attrapa la main baladeuse et la fit lâcher. Profitant de cette ouverture, elle s'éloigna d'un pas. Puis d'un deuxième pour faire bonne mesure. Et d'un troisième par sécurité.
De l'extérieur, elle n'avait pas l'air trop affectée par les évènements, mais en réalité, elle avait vraiment eut envie de frapper l'homme en face d'elle. Pourtant, le geste lui-même ne la dérangeais pas tant que ça... Mais c'était l'homme qui posait problème. Et aussi, le fait qu'il prenait son consentement pour acquis. Pour tout ça, il méritait au moins une claque.

*Bon, on va instaurer une règle : à partir de maintenant, on va mettre quelque chose entre lui et moi par mesure de sécurité*

Ethan relâcha Red, sans parvenir à décrocher le sourire en coin qui s'était vissé à la commissure de ses lèvres. Il sentait cette distance qu'elle mettait entre eux deux comme une victoire, la victoire d'un prédateurs sur une proie qui reconnaît sa défaite.

Le jeu lui plaisait de plus en plus, et cette semaine qu'ils allaient passer tous les deux s'annonçait d'ores et déjà... Fort intéressante.
Red n'était plus butée comme lors des premières minutes de leur discussion. Elle avait accepté de négocier, de rentrer dans son jeu, de discuter des règles.

Ethan lui aurait bien volontiers rappelé que les règles en questions ne pouvaient en aucun cas inclure ladite distance qu'elle mettait entre eux deux, mais il ne voulait pas la voir se braquer de nouveau.
Et puis, il avait gagné après tout, et il se sentait décidément de très bonne humeur. Red pouvait très bien se montrer des plus exécrables, en même temps, vu ce qu'il lui imposait, c'était plutôt compréhensible.

Il allait devoir se montrer un peu plus... gentil s'il voulait pouvoir lui extorquer tous les renseignements qu'il voulait.

Il recula lui aussi d'un pas, signalant du même coup à Red qu'il lui laissait la paix... pour les trente prochaines secondes.

-Ah vraiment ? Ironisa-t-il. Excuse-moi, au vu de ta tenue quand tu es entrée dans mon bureau, j'avais quelques doutes... Mais si tu le dis...

Ethan posa sa main sur le mur, et un signal lumineux dessina les contours d'une porte coulissante. Une partie de la cloison s'effaça en se décalant sur la gauche, révélant un ascenseur.
Un ascenseur privé, qui conduisait à sa suite de fonction. Mais Ethan n'aimais pas ses appartements. Trois pièces, salon chambre salle de bain, grand au le prix du mètre carré dans le quartier, mais rien en comparaison des villas et autres demeures qu'il possédait sur Mars.
Il y dormait seulement quand des affaires urgentes le retenaient sur la base, autrement dit, rarement.

-Si mademoiselle veut bien prendre place... lança-t-il en lui indiquant la cabine.

Il entra à sa suite, et passa son pouce sur le scanner indispensable au fonctionnement de la machine.

-Et sinon, la famille, les amis ? Fit-il, caricaturant hypocritement les fausses phrases amicales qu'étaient sensés se lancer les amis se retrouvant après un long moment.

La machine commença à glisser en silence vers les étages inférieurs.

Red regardait le sourire moqueur de son interlocuteur avec la furieuse envie de lui décrocher une droite en pleine figure pour lui faire ravaler sa suffisance. Elle était sûre qu'après ça, elle se sentirait beaucoup mieux.

-Ah vraiment ? Ironisa-t-il. Excuse-moi, au vu de ta tenue quand tu es entrée dans mon bureau, j'avais quelques doutes... Mais si tu le dis...

Elle retient une remarque sur le fait que ce n'était pas vraiment de sa faute si les hommes qu'elle croisait avaient une légère tendance à la déshabiller (rien qu'avec Yama, même si c'était indirect et lui plus d'autres histoires dont ellene voulait pas parler...) et s'interressa plutôt à la porte dérobée qui venait de s'ouvrir...sur un ascenseur.

-Si mademoiselle veut bien prendre place... lança-t-il en lui indiquant la cabine.

Elle grimaça. L'expression lui rappelait un autre souvenir, plus agréable, auquel elle ne préférait pas penser pour le moment. Elle entra avec réticence, n'appréciant pas vraiment de devoir être enfermée avec cet homme. Il la suivit.

-Et sinon, la famille, les amis ?

Red se demanda un moment si elle devait gratifier cette phrase d'une réponse. Puis elle se dit qu'elle n'allait pas louper uneoccasion pareille de lancer une remarque désagréable, peut-être qu'elle n'aurait pas beaucoup d'autres occasions...

-Vous allez me sortir toutes les expressions les plus clichées que vous connaissez pendant toute la semaine ? Parce que dans ce cas, ça serait sympa de me prévenir, que j'arrête dès maintenant de vous écouter..

[Au début je voulais faire une remarque sur sa technique de drague mais je me suis dis que ce n'était pas une bonne idée ^^' ]

-Vous allez me sortir toutes les expressions les plus clichées que vous connaissez pendant toute la semaine ? Parce que dans ce cas, ça serait sympa de me prévenir, que j'arrête dès maintenant de vous écouter..

Le jeune homme secoua la tête, désabusé. Red lui tapait sur le système, et il avait déjà l’impression d’avoir perdu trop de temps dans une affaire qui n’avait pas une si grande importance.
Il allait la garder au chaud une semaine au cas ou, mais se se faisait pas d’illusion. Peut-être que s’il n’avait rien d’autre à faire, d’ici trois à quatre jours, il reviendrait avec les grands moyens, mais son emploi du temps était chargé, et avant un... interrogatoire signe de ce nom, il allait falloir qu’il creuse un peu plus son passé et trouve un point de pression sur cette espèce de muraille en béton armé qu’elle avait érigé autour d’elle.
Il la poussa hors de l’ascenseur qui s’ouvrait, entrant dans un petit salon.

-Je ne te fais pas la visite complète, chérie, ce n’est pas que le coeur n’y est pas, mais je suis pressé. La chambre est à gauche.

Et avant que l’hybride n’ait le temps d’obliquer à droite par pur esprit de contradiction, ce dont elle était tout à fait capable, il l’attrapa par la nuque comme une gamine pas sage et la fit entrer dans la troisième pièce à gauche.

La chambre était très simple, ne l’utilisant jamais, il ne l’avait jamais décorée. Un sol en linoléum imitation bois qu’il songeait définitivement à faire remplacer par un parquet en chêne massif hors de prix. Deux des murs étaient blancs écru, le dernier, vert pale, surplombant un lit blanc à la tête en bois clair.
Lit double, évidemment.

Ethan, soudain prix d’une furieuse envie de sadisme et de vengeance, vit son visage s’éclairer d’un sourire méprisant, et il ferma les porte derrière eux.

-Je te dirais bien que tu vas passer une bonne semaine, mais ce serait, trop cliché, alors...

Tenant toujours son invitée par la nuque, il la plaqua sur le lit sans prévenir, le visage sur la couette.

-Et puis, j’aimerais rendre hommage à ton côté «chien».

On sentait tout à fait le dégout dans sa voix pour ces hybrides qu’il haïssait. Il tendit sa main libre jusqu’à la table de nuit de droite, sur laquelle il avait fait déposer un repas, et ouvrit le tiroir, duquel il tira un collier en acier.
Sans relâcher Red, il lui fit claquer autour du cou, avant de préciser avant dédain.

-Le collier s’ouvre sur présentation de mes empreintes digitale uniquement, et c’est de l’acier trempé. N’espère pas briser la chaîne, elle est soudée à l’étage du dessous, et c’est un entrepôt gardé comme les bijoux de la reine. Dans mon immense clémence, la chaine est assez longue, tu peux bouger sur le lit et t’allonger, manger aussi.

Sur ces mots, et à la foi agacé par cette peste et heureux de son coup, il claqua la porte en s’exclamant.

-Je repasse te voir demain, bonne nuit, chérie !

[Fini x) ?]